Thierry Bokanovski
(Psychanalyste, Membre Titulaire de la Société Psychanalytique
de Paris, Full Member of the International Psychoanalytic Association, Thierry
Bokanowski, ancien rédacteur de la Revue française de Psychanalyse,
est l'auteur de deux livres : Sandor Ferenczi, collection « Psychanalystes
d'aujourd'hui »,
Puf, 1997 et De la pratique analytique, colelction « Epîtres »,
Puf., 1998.)
Le concept de pulsion de mort
Bibliographie critique des auteurs psychanalytiques français
Rendre compte du concept de pulsion de mort et de la
place de ce dernier dans la pensée des psychanalystes contemporains
revient à passer par une double nécessité : justifier
cette hypothèse spéculative en la situant dans l'évolution
de la pensée freudienne et tenter de repérer à quelles
nécessités structurales l'introduction de cette dernière
répond dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler le "tournant des
années 1920".
Un grand nombre d'auteurs s'accordent pour penser,
à présent, que la notion de pulsion de mort était, pour
Freud, à la fois le produit d'une exigence spéculative -
suggérée par l'insistance de faits précis autant
qu'irréductibles dans le clinique et dans la cure ( par exemple la cure
de l'"Homme aux Loups) - et la résultante naturelle et inévitable
de toute une série de problèmes qui se posaient à la
théorie psychanalytique depuis 1910.
À titre d'exemple, Frank
J.
Sulloway[1]
voit dans le "nouveau partage" entre les pulsions de vie et les pulsions de mort
à la fois : la "restauration de la division bipartite de la pulsion qui
avait été mise à mal par la théorie du narcissisme"
; l'éclaircissement "des phénomènes, sans cela
mystérieux, de la fixation au trauma et de la compulsion de
répétition"; et enfin la possibilité de "fournir à
Freud un équilibre bienvenu entre les forces développementales
d'évolution (de progression) et d'involution (de
régression)".
C'est un point de vue quelque peu différent que
proposent et développent Jean
Laplanche et J.-B.
Pontalis, au chapitre "pulsion de
mort", dans leur Vocabulaire de la
Psychanalyse.
Ils suggèrent, bien entendu, que l'un des motifs principaux qui
conduisirent Freud à poser l'existence de la pulsion de mort fut la prise
en considération de la compulsion de répétition dans
laquelle ce dernier voyait la marque du "démoniaque" : une force
irrépressible, indépendante du principe de plaisir et cependant
susceptible de s'opposer à lui. Mais c'est, pour eux, l'importance du
problème que posaient dans l'expérience psychanalytique les
notions même d'ambivalence, de sadisme, de masochisme,
d'agressivité et surtout de haine qui semblerait avoir été
pour Freud le motif déterminant à l'établissement de cette
exigence spéculative. "On peut penser que la haine lui a paru
présenter une difficulté particulière à se laisser
déduire dans le cadre d'un monisme pulsionnel" ajoutent-ils,
lorsqu'à la suite de l'"introduction du concept de narcissisme dans la
théorie, Freud tend à effacer la distinction de deux sortes de
pulsions (pulsions sexuelles et pulsions du moi) en les ramenant à des
modalités de la libido".
C'est là que la question, soulevée dès
1915, de l'existence possible d'un masochisme primaire vient "comme l'index qui
désignait le pôle du nouveau grand dualisme pulsionnel à
venir". Ainsi la pulsion de mort s'inscrit dans l'exigence dualistique
fondamentale de la pensée freudienne" : elle va s'opposer à la
pulsion de vie, ce nouveau dualisme subsumant l'ensemble des pulsions (pulsions
sexuelles, d'auto-conservation et du moi) précédemment
distinguées par Freud. Comme Michel de
M'Uzan le remarque si bien, pour
Freud, à partir de
l'Au-delà du
principe de plaisir la mort "prend une nouvelle portée [...],
prise en elle-même cette fois et non plus comme un masque".
Jusque-là "la mort, alors emblème de la castration, renvoyait
à la vie, à l'enfance et surtout à ce moment où tous
les personnages du drame œdipien étant réunis, les
énergies engagées sont précisément les plus fortes,
tandis que la mutilation majeure trouve sa pleine réalité dans
le fait même qu'elle est impraticable. Maintenant, la mort, c'est ce vers
quoi renvoie la vie, l'inerte ou l'inorganique qui la précède et
qui en devient le but"
[3].
Désormais le phénomène de la vie est
décrit comme la résultante d'une interaction constante entre la
force d'où proviennent toujours fracas et tumulte, la libido, qui fournit
son énergie à l'Éros - "tout le bruit de la vie provient
surtout de l'Éros ... De l'Éros et du combat contre
l'Éros!''
[4] -, et d'une puissance
nouvelle, la pulsion de mort, qui veut tout défaire et ramener ce qui vit
à l'état inanimé. Ainsi, indépendamment de tout
autre motif, le caractère le plus élémentaire de la pulsion
de vie et de la pulsion de mort serait la répétition. C'est en
fait ce que Freud cherchait à dégager sous le terme de pulsion de
mort, à savoir ce qu'il y a de plus fondamental dans la notion de pulsion
: le retour à un état antérieur et, en dernier ressort, le
retour au repos absolu de l'inorganique.
Dans
Au-delà du
principe de plaisir [5], la pulsion de
mort est postulée à partir de faits censés mettre en
échec ce principe. Cependant, au même moment, Freud peut conclure
en affirmant que "le principe de plaisir semble être en fait au service de
la pulsion de mort"
[6]. C'est lorsque le principe
de plaisir signifie réduction absolue des tensions - selon le principe
économique de la réduction des tensions à zéro -,
qu'il est dit "au service de la pulsion de mort". Lorsque la tendance au
zéro absolu est désignée comme "principe de Nirvâna",
le principe de plaisir s'en distingue et se confond avec le principe de
constance : il "représente l'exigence de la libido" et des pulsions de
vie, dans leur tendance à l'homéostase et à la
synthèse.
Aussi, ces deux tendances continuent-elles à
être distinguées du fait de leur correspondance avec les deux types
d'énergie (libre - liée aux deux modes de fonctionnement
psychique, processus primaire - processus secondaire et aux deux principes
régulateurs du fonctionnement mental (principe de plaisir - principe de
réalité). Et c'est en cela que l'on peut "voir dans la
thèse de la pulsion de mort une réaffirmation de ce que Freud a
toujours tenu pour l'essence même de l'inconscient dans ce qu'il offre
d'indestructible et de déréel"
[7].
Ainsi Freud, réaffirmant ce qu'il y a de plus radical dans le
désir inconscient, assigne-t-il à la sexualité et à
l'Éros une véritable mutation dans sa fonction dernière :
celle-ci n'est plus définie comme une force de rupture qui perturbe, mais
comme un principe d'unification, de cohésion et de liaison . "Le but de
l'Éros est d'établir de toujours plus grandes unités, donc
de conserver c'est la liaison. Le but de l'autre pulsion, au contraire, est de
briser les rapports, donc de détruire les choses. Il nous est permis de
penser de la pulsion de destruction que son but final est de ramener ce qui vit
à l'état inorganique et c'est pourquoi nous l'appelons aussi
pulsion de mort"
[8].
C'est ainsi que la notion de pulsion de mort apporte à l'édifice freudien une conception nouvelle. Expression
privilégiée du principe le plus radical du fonctionnement
psychique, elle fait de la tendance à la destruction une donnée
quasi paradigmatique dans la mesure où elle lie indissolublement tout
désir, agressif ou sexuel, au désir de
mort.
Désormais, sous la plume de Freud, et dans le cadre de sa
dernière théorie des pulsions, la pulsion de mort va
désigner à la fois ;
- la compulsion de
répétition;
- le principe de Nirvâna et la
réduction des tensions au zéro;
- la tendance à la
destruction et à la destructivité,
Nous savons quel accueil
mitigé la communauté psychanalytique contemporaine de Freud,
hormis Ferenczi, Eitingon et Alexander, réserva à ces vues
hautement spéculatives. C'est ainsi que pendant tout un temps du
développement de la pensée en psychanalyse deux tendances
apposées confrontèrent leur point de vue : ceux qui, à la
suite de Freud, "croyaient" en l'existence d'une pulsion de mort, s'opposaient
à ceux qui la réfutaient, voire la déniaient en
préférant conceptualiser en termes d'"agression", de "pulsion
d'agression" voire d'"agressivité''. Ces derniers soutenaient enfin que
rien, ni dans la chimie, ni dans la physique, ni même dans la biologie
- sur laquelle pourtant Freud s'appuyait fermement - ne permettait d'en confirmer
l'existence.
Depuis, malgré la complexité inhérente au
concept et surtout la difficulté à admettre son caractère
autodestructeur, tout un courant de pensée désireux
d'éviter de s'enfermer dans le faux dilemme "croire ou ne pas croire
à la pulsion de mort", a tenté de rendre compte de ce que nous
pouvons convenir de nommer aujourd'hui, à la suite de Jean Laplanche, "pulsion
de mourir ou de se faire mourir" [9].
Cependant, comme le remarque fort pertinemment André
Green, "la difficulté, en
ce qui concerne la pulsion de mort, vient de ce que nous ne pouvons lui
attribuer avec la même précision une fonction correspondante
à celle de la sexualité par rapport aux pulsions de vie (ou
d'amour)" [10]. Aussi, même s'il est
actuellement fréquent de rencontrer en clinique psychanalytique des
formes pathologiques de
destructivité[11], aucun
argument clinique ne peut en lui-même constituer une preuve de l'existence de la
pulsion de mort et le problème reste, pour l'essentiel,
théorique ;
C'est plus particulièrement dans ses effets
réfringents ou diffractants, et de ce fait hypothétiques, que le
statut de la pulsion de mort a pu être envisagé et, souvent
passionnément, débattu. Les effets non univoques de ces
controverses proviennent tout autant du statut métapsychologique
singulier qui soutient le concept de pulsion de mort, que des positions
personnelles de ceux qui en rendent compte dans leur double expérience
théorico-clinique. Aussi pour en dégager les principaux aspects,
tout en tentant de regrouper certaines positions théoriques,
proposerons-nous cinq axes qui serviront de fil conducteur :
I. Le ou les
narcissismes;
2. Les relations pulsion et objet;
3. Les
problématiques liées à l’agressivité, à
la destructivité et à l'emprise;
4. Les masochismes;
5.
Les effets de la pulsion de mort et la cure psychanalytique, le contre-transfert
et la mort.
I. Le ou les narcissismes.
Tout au début de son œuvre, dès sa
communication au Congrès international de psychanalyse de Marienbad,
Jacques
Lacan présuppose
l'agressivité comme- consubstantielle au narcissisme. Cela sera
réaffirmé- en 1948 dans son rapport sur
L'agressivité en
psychanalyse[12].
Au départ, pour Lacan, le concept d'agressivité est lié
à celui de pulsion de mort, ou plus exactement à celui d'instinct
de mort; l'agressivité devient corrélative de l'identification
narcissique qui "détermine la structure formelle du moi". La
conquête de l'unité fonctionnelle du corps propre est
subordonnée à une première captation par l'image du stade
du miroir qui fait intervenir la dialectique des identifications. C'est en liant
l'agressivité à l'identification narcissique que l'identification
œdipienne devient "celle par où le sujet transcende
l'agressivité constitutive de la première individuation
subjective"; cette conception du narcissisme permet, par ailleurs, de "clarifier
le fait de l'ambivalence propre aux pulsions partielles".
C'est pour "échapper" à un enfermement dans
l'alternative des théories pulsionnelles qu'un certain nombre d'analystes
ont privilégié le rôle du narcissisme. Cela leur permet,
comme Freud l'indiquait dès 1914, d'intégrer l'investissement
libidinal du moi parmi les investissements d'objet, et de souligner ainsi la
nature libidinale de la pulsion d'autoconservation". Mais ce faisant, il leur
sera nécessaire de réintroduire au sein même du concept de
narcissisme un dualisme, et cela par le biais des pulsions
autodestructrices.
Aussi est-ce dans ce sens que nous devons, semble-t-il,
comprendre la démarche de Francis
Pasche lorsque celui-ci,
élaborant la notion d'antinarcissisme, souligne une disposition du sujet
qui lui paraît "plus originelle peut-être" que sa tendance à
se détruire : une aptitude à "se déprendre
littéralement de lui-même, à céder de sa libido au
profit éventuel de ce qui est au dehors". Cette notion se justifie ainsi
: "La dernière théorie des instincts, si nettement dualiste, en
exige selon nous l'individualisation, car elle est à la fois
corrélative du narcissisme primaire et son complément; [ ... ] si
l'amour objectal est, comme nous en sommes convaincus, autre chose que du
narcissisme différé, elle en est le fondement". La notion
d'antinarcissisme permet de lever l'aporie sournoisement introduite par le
concept de narcissisme primaire; par ailleurs cette position implique un accord
explicite avec la dernière théorie des pulsions, ce que nous
retrouvons sous la plume de Francis Pasche lorsqu'il écrit
"L'écartèlement permanent du sujet jusqu'aux confins objectaux est
la preuve de la mise en œuvre simultanée de deux tendances de
même niveau, dérivée chacune d'Éros et de Thanatos,
mais d'orientation opposée le narcissisme et
l'anti-narcissisme"
[13].
Pour André
Green, c'est en apposant une
valence négative, un signe négatif, au narcissisme qu'il lui
semble possible de l'articuler à la pulsion de mort. Postulant
l'existence d'un narcissisme négatif, "double sombre de l'Éros
unitaire du narcissisme positif", il voit celui-ci comme le complément
logique du narcissisme positif qui rend intelligible le passage de la
théorie des pulsions, opposant la libido narcissique et la libido
d'objet, à la dernière théorie des pulsions de vie et de
mort"
[14]. Cerner plus étroitement
l'articulation de la pulsion de mort avec le narcissisme, à la
lumière de la deuxième théorie des pulsions, conduit
André Green à la reconnaître "dès son temps
primaire". Le "modèle qui gouverne l'activité psychique" sera
celui de la réalisation hallucinatoire négative du désir,
et au principe de plaisir-déplaisir sera substitué une opposition
plaisir-neutre. Cette "catégorie du neutre", c'est tout autant la
"réalité indifférente à l'agitation des pulsions
humaines" que la "métamorphose du retour à la matière
inanimée" visant à l'inertie dans la mort psychique. Cette
élaboration complémentaire du principe de plaisir permet de
comprendre le sens d'un narcissisme de mort ainsi opposé à un
narcissisme de vie dont les accomplissements ne sont jamais pleinement
réussis.
Nous retrouvons cette idée de "travail en
négatif" de la pulsion de mort sous la plume de Serge
Leclaire. Ce dernier voit dans
les "forces pulsionnelles dites de mort" celles qui "tendent à faire
prévaloir le "non-figuratif" du représentant inconscient et
l'impensable unité négative, constitutive du
référent phallique"; nous reviendrons sur cette idée pour
la développer ultérieurement. En fait, pour cet auteur, c'est le
fantasme de meurtre de l'enfant idéal que nous portons en nous ( On tue
un enfant qui vient représenter le lien entre narcissisme et pulsion de
mort : "C'est ce représentant inconscient privilégié que
j'appellerai représentant narcissique primaire. L'enfant à tuer,
l'enfant à glorifier, l'enfant tout-puissant, l'enfant terrifiant, c'est
la représentation du représentant narcissique primaire. Part
maudite et universellement partagée de l'héritage de chacun objet
du meurtre nécessaire autant
qu'impossible"
[15]. C'est aussi ce travail de
déconstruction qui sera au centre de l'analyse puisque devant
"élucider et dénouer toutes les élaborations secondaires
qui, dans sa vie, sont venues recouvrir la nécessité du meurtre de
l'enfant.".
Rendre compte de la totalité de son expérience
actuelle, concernant le narcissisme, conduit Belà
Grunberger à
émettre l'hypothèse d'un paléonarcissisme. Il approfondit
ainsi la complémentarité établie entre le narcissisme et
les systèmes pulsionnels, et y adjoint une agressivité
archaïque. Un Anubis se trouve en Narcisse et Narcisse se double d'un
Anubis : "les deux ne forment qu'un et restent cependant séparés,
comme les deux noyaux narcissiques primitifs [...] Anubis, représentant
de la destructivité profonde en soi et pour soi, comme Narcisse est celui
de l'affirmation existentielle élationnelle"
[16]. Il y a donc la nécessité,
pour Belà Grunberger, d'évoquer l'existence - au sein même
du narcissisme - d'une tendance auto-agressive, autodestructrice, archaïque
et anobjectale qui, ignorant la distinction entre le dedans et le dehors, peut
facilement se retourner contre le sujet. Cette description élargit le
champ théorique, et par extension, le concept de pulsion de Mort.
Ainsi les reflets de certaines apories théoriques,
soulevées par le concept de narcissisme, permettent-ils de mieux cerner
quelques-uns des masques empruntés par la pulsion de mort. Mais les
apparences complexes et divergentes de ces emprunts ne doivent en rien nous
étonner car, comme nous le rappelions plus haut, le concept de
narcissisme ne peut résoudre, en lui-même, la problématique
de la dualité pulsionnelle qui lui est inhérente.
2. Les relations pulsion et objet.
Il semble bien que ce soit précisément pour
éviter d'être prisonnier de la dualité pulsionnelle
liée au narcissisme - tout en étant désireux de ne pas
être emporté par le vertige d'une destructivité qui
dépasserait toute capacité d'élaboration par la
théorie de la libido -, que Jean
Laplanche voit dans les pulsions
de mort un approfondissement de la sexualité dans son aspect le plus
radical
[17].
Trois "exigences freudiennes" caractérisent la
pulsion de mort : la mort dont il est question est, en premier, toujours la mort
de l'"individu lui-même" et ce n'est que dans un second temps qu'il s'agit
de la mort infligée à l'autre; la pulsion de mort est
étroitement liée chez Freud au principe d'abaissement des tensions
- principe du zéro ou du Nirvâna - et à la compulsion de
répétition; au niveau du ça, l'existence de la pulsion de
mort n'est jamais apparue à Freud comme incompatible avec les autres
thèses qu'il réaffirme : absence de négation, de
contradiction et d'idée de la mort dans l'inconscient.
Aussi est-ce
à l'intérieur même de la pulsion sexuelle qu'est
reporté le dualisme inévitable pulsion de vie - pulsion de mort.
La pulsion sexuelle est "la seule vraie pulsion". C'est le refus de
l'idée d'une pulsion de mort préalable, muette,
préexistante à l'objet qui l'amène à proposer une
conception unifiée sexuelle de l'énergie pulsionnelle, et à
opposer les pulsions sexuelles de vie aux pulsions sexuelles de mort du point de
vue de "leur mode de fonctionnement énergétique, de leur but, de
leur rapport au moi et de leur objet-source".
"Les pulsions sexuelles de
vie fonctionnent selon le principe de l'énergie liée (principe de
constance ); leur but est la synthèse, le maintien ou la construction
d'unités et de liens; elles sont conformes au moi; leur objet-source est
un 'objet total' régulateur".
"Les pulsions sexuelles de mort
fonctionnent selon le principe de l'énergie libre ( principe du
zéro ); leur but est la décharge pulsionnelle totale au prix de
l'anéantissement de l'objet; elles sont hostiles au moi qu'elles tendent
à déstabiliser; leur objet-source est un aspect clivé,
unilatéral, un indice d'objet".
Cette opposition se conçoit
sur la base d'une énergie libidinale commune; cependant une
dissymétrie fondamentale persiste : "la pulsion de vie tend à
l'union entre elle-même et le principe de désunion; la pulsion de
mort tend à la désunion, et de son union avec la pulsion de vie et
de la pulsion de vie
elle-même"
[18].
Ainsi est-ce le caractère synthétique,
régulateur et "liant" qui, pour Jean Laplanche, spécifie la
pulsion sexuelle de vie, tandis que la pulsion sexuelle de mort rend compte de
l' "image la plus proche de ce que nous nommons processus primaire dans le
ça"; elle serait responsable du "déplacement compulsif et
indéfini, le long des chaînes d'associations entre des objets
réduits à leur aspect de signifiant, et visant à la
décharge par les moyens les plus courts, sans égard pour la survie
de l'objet". Cette pulsion sexuelle de mort, pulsion de "représentation",
de "signifiant", ou peut-être mieux d'"indice", s'oppose donc radicalement
à la "pulsion d'objet
(total)"
[19].
À l'inverse de Jean Laplanche qui, pourrait-on dire,
met l'accent sur l'"aspect pulsionnel" de la pulsion de mort, André
Green voit dans les
conséquences du travail de celle-ci un effet de déliaison. La
déliaison porte pour l'essentiel sur les investissements significatifs
liés à l'objet - relations tant externes qu'internes à
celui-ci -, voire même, en son absence, sur l'investissement marquant son
empreinte, "signe et caractéristique du travail psychique accompli". Dans
l'objectalisation c'est l'investissement lui-même qui est
objectalisé, fonction objectalisante À distinguer de l'objet.
Ainsi, dans la visée de la pulsion de mort qui est d'accomplir aussi loin
que possible la fonction désobjectalisante, n'est-ce pas seulement la
relation à l'objet qui se trouve attaquée, mais aussi les
substituts de ce dernier - comme le moi - et l'investissement lui-même en
tant qu'ayant subi le processus d'objectalisation. "La manifestation propre
à la destructivité de la pulsion de mort est le
désinvestissement". La fonction désobjectalisante, loin de "se
confondre avec le deuil, est le procédé le plus radical pour
s'opposer au travail de deuil qui est au centre des processus de transformation
caractéristique de la fonction objectalisante". C'est ainsi que
s'explique "logiquement" le passage de l'opposition entre libido d'objet et
libido narcissique à la dernière théorie des pulsions :
Eros et pulsions de destruction. Ce qui permet de soutenir l'hypothèse
d'un "narcissisme négatif comme aspiration au niveau zéro,
expression d'une fonction désobjectalisante qui ne se contenterait pas de
se porter sur les objets ou leurs substituts mais sur le processus objectalisant
lui-même. [ ... ] La visée objectalisante des pulsions de vie ou
d'amour, a pour conséquence majeure d'accomplir, par la médiation
de la fonction sexuelle, la symbolisation (Bion, Winnicott, Lacan)", conclut, in
fine, André Green
[20].
L'intérêt du débat qui oppose les
élaborations de Jean Laplanche à celles d'André Green tient
pour l'essentiel, semble-t-il, à ceci que leur conception de l'aspect
"pulsionnel" de la pulsion de mort est antagoniste. Pour Jean Laplanche il
apparaît que la pulsion de mort serait une pulsion en soi, tandis que pour
André Green elle serait plus de l'ordre d'un principe négativant,
une antipulsion. Pour André Green il est impossible de "dire quoi que ce
soit de la pulsion de mort sans se référer à l'autre terme
de la paire qu'elle forme avec la pulsion de vie, dans un attelage conceptuel
indissociable"; par ailleurs, pour lui, c'est l'"objet qui est
révélateur des pulsions", même si l’on est conduit
à admettre que les pulsions sont des "entités premières,
fondamentales, originaires". Pour Jean Laplanche, qui souscrit
entièrement à l'idée d'opposer "objectalisation" et
"désobjectalisation", la différence conceptuelle tient au fait que
la "désobjectalisation totale" ne peut aller jusqu'à un point
zéro; ce "point ne peut être visé que de manière
asymptotique". Il oppose à la pulsion d'objet et à
l'objectalisation la "pulsion d'indice", c'est-à-dire le moment où
l'objet est réduit à un simple indice de lui-même". C'est,
pour lui, le "moment où la mort de l'objet est présente, où
le plaisir est cherché pour lui-même, et simplement sur un signe,
non plus sur le maintien de l'objet". C'est, à son avis, ce que Freud
"exprimait sous le terme de "pulsion sexuelle" au début de son œuvre
; la pulsion sexuelle cherchait le plaisir et non pas l'objet, ce dernier
étant secondaire par rapport à
elle"
[21].
Pour Pierre
Marty, qui a une conception
très élargie de l'instinct de mort, la mort résulte de la
domination des instincts de mort. Liés aux traumatismes de la perte de
l'objet ils entraînent une dépression "essentielle" avec de graves
conséquences somatiques. Les instincts de vie sont affaiblis et la
supériorité des instincts de mort entraînent alors une
désorganisation de la personnalité, de la structuration originale
: "La désorganisation, témoin de la présence des Instincts
de Mort, s'impose lorsque faillit une organisation mue par les Instincts de Vie.
Elle frappe d'abord le plus haut étage évolutif. Elle ne
s'arrête, dans son trajet contre-évolutif, que lorsqu'elle
rencontre un palier solide d'organisation, naturellement moins
évolué"
[22].
C'est ici que la complexité du concept de pulsion de
mort, liée à la difficulté de devoir en admettre le
caractère radicalement autodestructeur. Freud lui-même ne
reconnaissait-il pas qu'il s'agissait là d'"une singulière pulsion
que celle qui s'occupe de la destruction de son propre
foyer"
[23] ?, conduit certains auteurs à
souhaiter privilégier celle-ci dans ses aspects projectifs et agressifs.
Pour ces derniers, le sujet oriente sa destructivité essentiellement vers
l'extérieur, l'agressivité étant la "résultante"
d'une "interaction" entre le sujet et le monde extérieur.
3. Les problématiques liées à
l'agressivité, à la destructivité et à
l'emprise.
Sacha
Nacht, grand défenseur du
monisme pulsionnel, voyait dans l'agressivité un aspect de la pulsion
sexuelle, une forme nécessaire à l'action, ce qui lui permettait
de réduire, voire d'édulcorer, le concept de pulsion de mort.
L'agressivité représentait l'aspect actif de l'action entreprise
par un organisme pour trouver son équilibre : "L'aptitude à la
réaction agressive de tout ce qui est vivant est due à la tendance
constante à éliminer ce qui, par son état d'excitation,
donc de tension, troublerait l'équilibre de l'organisme [...] pour
éviter l'insatisfaction, aussi bien que pour obtenir la satisfaction des
besoins, en somme pour vivre, l'agressivité entre en
jeu"
[24]. Fidèle à la
thèse freudienne d'avant le tournant de 1920, l'agressivité est
donc, pour Sacha Nacht, le fait de toute pulsion. Cette position se modifiera
sensiblement vers la fin de son œuvre, mais nous attendons le chapitre
suivant pour l'évoquer.
À la suite de Freud, qui séparait la tendance
sadique ( composante de la libido ) de la pulsion de destruction ( liée
à la pulsion de mort ), la nécessité de distinguer deux
composantes agressives apparaît chez certains auteurs
français.
Ainsi René
Diatkine et Serge
Lebovici, au Congrès
international de Vienne (1971), envisagent cette distinction en proposant de
différencier agression et agressivité. L'agressivité,
dérivée de la pulsion de mort, est opposée à
l'agression, qui en est l'élaboration dans le fonctionnement du Moi :
"Notre thèse a consisté à opposer les deux temps de la
théorie freudienne concernant l'agression. Ce qu'on appelle parfois
l'agressivité comporte de ce fait bien des ambiguïtés. Nous
croyons qu'il est bon finalement de comprendre comme agression ce qui est son
élaboration dans le fonctionnement du Moi et comme agressivité ce
qui est du destin de l' instinct de
mort"
[25].
Jean
Bergeret, pour sa part, oppose la
notion d'agressivité "telle que la conçoit la théorie
psychanalytique" à la notion de violence fondamentale "telle qu'il en
soutient l'hypothèse".
La violence fondamentale s'appuie "à
son origine sur des mises en scène tout à fait précoces
telles que "l'autre ou soi", "lui ou moi", "survivre ou mourir", "survivre au
risque de devoir tuer l'autre", sans intention nette de détruire
spécifiquement cet autre". La "poussée instinctuelle de violence"
résulterait des fantasmes issus des modèles imaginaires maternels
qui s'appuieraient sur des représentations mettant en scène une
domination de l'objet par la violence, aussi bien du côté du parent
que de l'enfant. Ainsi les premières formations fantasmatiques
comporteraient-elles tout autant de "mises en scène" de meurtre d'enfants
que de meurtre de parents, matricide et parricide confondus. Deux destins sont
dévolus à ces inscriptions présymboliques; dans les
meilleurs cas elles se structurent en fantasmes œdipiens ouvrant la voie
aux élaborations génitales qui permettent l'intégration de
la violence fondamentale dans une optique libidinale ou objectale; sinon, c'est
un mouvement "inverse" qui se produit "et c'est la violence qui reprendrait
à son compte des fragments épars de libido pour donner lieu
à des élaborations imaginaires d'agressivité, de sadisme ou
de masochisme".
La violence fondamentale se différencie de
l'agressivité en ce qu'elle "s'intéresse avant tout au sujet et
à sa conservation; le sort de l'objet lui est très secondaire".
Elle "est préambivalente; elle ne tient pas compte de l'ambivalence, et
ainsi ne connote ni amour ni haine". Elle se rattache originairement aux
instincts de vie et "s'envisage comme assurant un étayage dynamique
utilisable au profit de la
sexualité"
[26].
La "qualité" de l'intégration de la violence
fondamentale peut avoir des conséquences psychopathologiques
précises, et Jean Bergeret envisage des "variétés de
violences différenciées par le degré d'élaboration
imaginaire atteint dans l'évolution généalogique de la
lignée violente"
[27]. C'est, pour
l'essentiel, autour de l'organisation des modalités sado-masochiques qui
en résultent que l'on pourra suivre les destins de ces différentes
formes de destructivité.
Michel de
M’Uzan, pour sa part, pense
qu' il est "nécessaire de disjoindre deux notions qui sont ordinairement
associées : l'instinct de mort et les pulsions de
destruction"
[28]. C'est sur
l'intégration, ou le défaut d'intégration, des tensions et
des conflits au niveau psychique, que se fonde et se justifie cette distinction.
D'une part, la pulsion de mort n'est jamais saisissable directement; on ne la
voit apparaître qu'"enchevêtrée avec la libido ou sous forme
de processus destructeurs dirigés contre les objets ou contre le Moi, ce
qui implique un certain degré d'élaboration psychique dans le sens
de l'intégration". D'autre part, un certain nombre de
phénomènes - répétition, névroses
traumatiques, réaction thérapeutique négative -, sur
lesquels Freud s'appuie pour développer sa théorie, imposent
l'idée d'une tendance léthale. Le "défaut
d'intégration des tensions et des conflits au niveau psychique", qui en
résulte, entraîne la prédominance des "facteurs actuels" et
la "tendance à la décharge totale de l'excitation". Ce même
défaut d'intégration se retrouve dans certaines affections
somatiques graves avec la "même tendance à la décharge
pulsionnelle totale qui vide le Moi de tout son investissement narcissique".
Aussi peut-on concevoir que de tels processus passent pour l'"effet d'un
instinct spécial"; mais Michel de M'Uzan "préfère parler
d'un destin spécial de l'instinct, dont le terme ultime serait non pas
une destruction active - division, morcellement - mais une véritable
extinction".
Ce destin spécial de l'instinct qui nous
semble être une variation de l'instinct de mort -, sera
évoqué chez des sujets qui, soumis à des excès de
quantité de l'instinct sexuel associés à une carence
objectale, sont menaces dans leur capacité d'intégration
psychique. Le sujet devient tout autant incapable d'élaborer l'excitation
que de la décharger. La "coexistence d'une tendance à la
décharge totale" alliée à une "destructivité brute
de médiocre valeur fonctionnelle, scelle le destin du sujet". Ainsi
deviennent de véritables esclaves de la
quantité
[29] ceux qui, faisant appel aux
solutions perverses, sont "entraînés par leur appétit de
jouissance infini et contraignant", ou bien sont soumis à une affection
somatique sévère, voire ne peuvent se décharger d'une
excitation que de "façon massive, brutale, par un passage à l'acte
dont la violence est proportionnelle aux quantités mises en jeu".
Comme Freud l'affirme clairement dans
Le problème économique du
masochisme,
la pulsion d'emprise, au même titre que la pulsion de destruction et la
volonté de puissance, est considérée par Freud comme un
avatar de la pulsion de mort. Cependant certains auteurs contemporains semblent
ne pas entièrement partager cet avis. Roger
Dorey[31],
qui met l'accent sur l'opposition emprise-maîtrise, voit un
problème à ne vouloir rattacher l'emprise qu'à l'action de
la pulsion de mort. La notion de
Bemächtigungstrieb, concept qui
lui paraît difficile à utiliser et à manier, lui semble tout
aussi bien "traduire l'action unificatrice des pulsions de vie que l'action
destructrice des pulsions de mort". Pour sa part François
Gantheret
[32] invite à y
reconnaître "cette haine dont Freud voit l'origine dans les atteintes
à l'autoconservation". Jean
Gillibert[33],
s'interroge avec force sur le caractère "dogmatique" des dualismes
pulsionnels et de la "fausse question entre pulsion et instinct". Une
révision de la théorie des pulsions et de la violence implique,
pour lui, une conception de la pulsion d'emprise qui n'est ni sexuelle, ni
d'autoconservation "Ce n'est ni monisme, ni dualisme mais permanence de toute
altérité première".
Faut-il rappeler que rendre compte des forces destructrices
et autodestructrices de la pulsion de mort, n'est possible que parce que
celle-ci est liée, enchevêtrée, à la libido ? Car tel
est bien le sens de la découverte de Freud après 1920. Lier le
principe de plaisir à la pulsion de mort, entraînait la difficile
conception d'un principe de plaisir au service de celle-ci, mais permettait
d'éclairer d'un jour nouveau la force "énigmatique" de destruction
qui s'oppose à ce même principe, Cela allait non seulement rendre
compréhensible le masochisme mais aussi permettre de différencier,
dans leurs principes économiques, les masochismes.
4. Le ou les masochismes
C'est vers la fin de son œuvre, comme nous
l'évoquions plus haut, que Sacha
Nacht fut contraint par la
"réalité" de certains "échecs thérapeutiques"
à admettre qu'il y avait des forces autodestructrices qui
échappaient à la, à sa, théorie. Aussi lui fallut-il
bien reconnaître qu'il pouvait exister chez l'homme, au-delà de
l'unique pulsion de vie à laquelle il tenait tant, une force antagoniste
plus puissante. "Dans certains cas troublants l'agressivité se manifeste
chez l'individu par un masochisme irréductible". Et Sacha Nacht
réintroduit le concept, auparavant exclu, d'autodestruction auquel il
donne nom de masochisme primaire organique "conclusion théorique plus
limitée que celle qui concerne l'instinct de mort, mais plus proche, plus
conforme aux données de l'observation
immédiate"
[34].
Depuis, le concept de masochisme a connu une
véritable évolution - et révolution -, sur le plan
théorique, et cela en fonction de l'intérêt accru qu'a
suscité, à une lecture soutenue de Freud, la deuxième
théorie des pulsions. Le masochisme- primaire, érogène,
alliage muet de la pulsion de mort et d'Eros - devient, pour certains,
corrélatif de la pulsion de mort.
Tel n'est pas l'avis de Benno
Rosenberg qui voit dans le
masochisme primaire, érogène le "meilleur rempart contre la
destructivité" tout en pouvant néanmoins devenir "son instrument
privilégié"
[35]. Masochisme
"mortifère" ou "gardien de la vie" tel sera le destin du masochisme
érogène suivant la "qualité" de l'intrication pulsionnelle
qui le conditionne. En d'autres termes, l'intrication pulsionnelle, liaison de
la pulsion de mort par la libido, qui met la pulsion de mort au service
d'Éros, constitue une défense spécifique à
l'intérieur du sujet. Racine du masochisme primaire,
érogène, gardien de la vie, elle bloque la pulsion de mort, elle
constitue une défense spécifique à l'intérieur du
sujet et devient le lieu où le moi se constitue, donnant naissance au soi
et permet au masochisme primaire de faire naître le moi archaïque qui
fonde le sujet. En résumé, pour Benno Rosenberg, le masochisme
érogène est gardien de la vie, constitutif du moi et de l'objet,
protecteur du moi archaïque.
Dans ces conditions, quand sommes-nous en droit de parler
d'un masochisme mortifère ? Quand il y a un investissement de toute
souffrance, un plaisir d'excitation au détriment de la décharge,
en dehors de tout objet, créé uniquement autour de l'excitation de
soi tel est, à titre d'exemple, l'"orgasme de la faim!" de l'anorexique
mentale. Le masochisme bloque la pulsion de vie et la détourne de toute
satisfaction objectale. L'excitation contenue dans la "détresse primaire"
est surinvestie de façon masochique, ce qui entraîne une inhibition
de la recherche de la satisfaction hallucinatoire du désir, une
inhibition de la vie fantasmatique, une difficulté à la
constitution de l'objet interne. Ce fait retentit sur les possibilités de
projection et la constitution de l'objet externe; il s'installe une
désaffection des autres modes de défense et surtout des
mécanismes de projection, Ainsi, devenant prépondérant, le
masochisme se fait, du même coup, mortifère.
Dans un texte
récent (1985), concernant les Concerts
métapsychologiques de
base,
Francis Pasche, prolongeant ses
réflexions sur sa "conception de la théorie des deux instincts",
observe que ce qui est le plus "fondamentalement primaire dans le masochisme
primaire c'est l'instinct de mort : "La tendance à la dissociation, qui
peut aller jusqu'au morcellement, jusqu'à la mort mais qui peut aussi,
intriquée avec Eros, au nom d'Éros, amener à céder
quelque chose de soi-même, de sa substance, au bénéfice de
l'autre par amour." Aussi propose-t-il de distinguer entre, d'une part "l'effet
du masochisme primaire retenu dans le sujet, qui l'amène à se
déprendre de quelque chose de lui-même au profit de 1’objet",
et de l'autre "l'effet de ce "masochisme" quand, ressenti comme souffrance ou
menace pour la survie, il est rejeté à l'extérieur sous
forme de sadisme aux dépends de l'objet".
Pour Francis Pasche le masochisme primaire "fonde l'amour si
il est gardé en soi, mais se transforme en sadisme si il est
expulsé hors de soi". Par ailleurs, le terme de mort dans instinct de
mort lui "semble doter celui-ci d'une connotation péjorative, voire
angoissante, ne rendant pas compte de son action", qui est d'être "bien
souvent au service de la vie". Le concert d'instinct de mort inclut les
idées de désintrication, de destruction et de mort, mais "aussi
celle de scission, de séparation, de dIstinction, d'individualisation qui
ont une connotation neutre, ou positive ou même vitale". De même en
est-il " symétriquement" pour l'instinct de vie (Eros) qui inclut tout
à la fois les idées d'union, de conjugaison, de rassemblement
d'unités dispersées en une nouvelle unité organique, "mais
aussi les idées d'accolement anarchique d'unités
indifférenciées, d'agrégation monstrueuse (foule, cancer,
etc,) et enfin celle d'intrication parfaite à parties égales qui
est proprement la mort ou la 'chosification' (catatonie). Le bruit de la vie ne
vient pas seulement d’Eros, mais de toutes les intrications
incomplètes d'Eros et de l'instinct de mort, où domine
tantôt l'une, tantôt l'autre de ces deux tendances, tantôt
ici, tantôt là".
Tous deux, l'instinct de vie comme l'instinct
de mort, sont au service de la compulsion de répétition "qu'on ne
peut donc identifier à l'instinct de mort, comme cela se dit. Elle le
sous-tend comme elle sous-tend l'instinct de vie". La compulsion de
répétition est une sorte de mémoire, une mémoire
démiurgique, que Francis Pasche avait proposé autrefois de
définir comme l'"instinct de l'instinct". En d'autres termes la
compulsion de répétition ne caractérise en rien la pulsion
de mort, elle est le propre de tout fonctionnement pulsionnel.
Se sentant
plus proche de la définition de et coexcitation sexuelle" telle qu'elle
leur apparaît dans
au-delà du
principe de plaisir, Denise
Braunschweig et Michel
Fain[37]
font état d'une "divergence d'opinion" au sujet de la conception du
masochisme primaire telle que Freud l'établit dans
Le problème économique du
masochisme. Le fait qu'une excitation "brute" soit susceptible de se
transformer en excitation sexuelle, puis que celle-ci, se modifiant,
entraîne des troubles aboutissant à la "névrose actuelle",
implique, pour eux, que cette "dérivation n'est pas
récupérable par le masochisme primaire tel que Freud l'a
décrit". Il leur paraît, pour cette raison, "difficile de suivre
l'hypothèse selon laquelle il existerait une liaison primaire entre la
libido et l'instinct de mort, ce, à un niveau biologique, liaison
constituante du masochisme primaire". Au fil de leurs élaborations, les
difficultés rencontrées dans l'application directe de cette
hypothèse les entraînent à renoncer au concept d'instinct de
mort : "En un mot, l'instinct de mort échappe à notre
compétence".
Pour Jean
Gillibert[38],
qui voit dans le masochisme un "au-delà de l'économique", le
masochisme érogène est cette "médiation qui illusionne sur
son contenu puisqu'il fait vivre mais devient facteur de vérité
quand, au terme de l'illusion, le masochisme érogène ne se
transforme plus en masochisme moral, et qu'il perd tout pouvoir, pour
n'être que ce qui tient en garde l'individué non plus dans sa vie
mais dans sa mort".
Toutes ces considérations, qui par bien des points de
vue pourraient apparaître comme des distinctions purement
spéculatives, reviennent en réalité à l'essentiel.
Muette en son origine, la pulsion de mort nous confronte toujours à ses
"alliages" entre pulsion de vie et pulsion de mort. Le "temps muet" du
masochisme érogène, dont il est difficile de rendre compte des
"effets économiques" autrement que par la théorie, nous conduit
tout naturellement à la question de l'économie de la pulsion de
mort t, et des effets de cette dernière, dans la gestion de la cure, ce
que nous abordons a présent.
5. Les effets de la Pulsion de Mort et la cure
psychanalytique. Le contre-transfert et la mort.
Le "travail" de la pulsion de mort consiste, pour
Serge
Leclaire[39],
à s'assurer de façon constante, contre la formidable tendance
unificatrice des pulsions de vie, la présence étrange et
singulière des représentants inconscients et l'absolue
hétérogénéité du référent
phallique". En d'autres termes c'est par rapport au "référent
phallique", à la "quête du phallus", que viendraient se situer
l'action des forces pulsionnelles "dites de mort", qui tendent à faire
"prévaloir le "non-figurative" du représentant inconscient et
l'impensable unité négative", constitutifs de ce même
référent. En même temps, "rien ne peut s'écrire, se
dire, se représenter si la force de la pulsion de mort cesse un seul
instant de maintenir distincte et fondatrice la référence au
phallus". Aussi le travail analytique devient-il, pour cet auteur, "figures
à démasque- figures à tuer", permettant ainsi de "rendre au
représentant inconscient son véritable statut et de prendre en
compte la dette insolvable qui nous lie au référent
phallique".
Ce "travail du négatif" de la pulsion de mort nous le
retrouvons dans la pensée de Guy
Rosolato lorsqu'il
écrit : "Rappelons dans Freud l'importance de
l'intériorisation conjointe, comme relation d'inconnu, de l'inconscient,
de la pulsion et de la mort dans le topos du ça. Car le travail du
négatif a été spécialement perçu, admis et
théorisé par Freud pendant cette
période"
[40]. Pour Guy Rosolato,
à partir de 1920, dans l'œuvre de Freud, c'est "la mort
elle-même qui est intériorisée". La mort est dans la
"relation d'inconnu". Si l'on en comprend l'importance, si ses localisations et
ses déplacements sont correctement décelés et
situés, ils permettent d'"appréhender la fonction des
idéaux comme prenant en charge l'impensable. La pulsion de mort
obéit à cette loi de l'écart : son intériorisation
de l'impensable libère d'une sujétion extérieure et rejoint
le cœur du narcissisme, son mythe de l'émergence, et du coup, fait
de la mort un impensable - pensable, au-delà, comme d'ailleurs la vie, de
l'économie mortelle du principe de
plaisir"
[41]. C'est par le biais de l'analyse
de la "relation d'inconnu" que l'"inconnu de la mort, d'extensif qu'il
était, lié à un avenir, à une fin, passe dans le
champ de l'intensif", et permet ainsi d'"être métaphorisé et
dirigé".
Cet état de chose impensable, dont l'"immanence
temporelle fait surgir les angoisses de mort les plus aiguës", est cette
dimension de la pulsion de mort qui retient le plus Micheline
Enriquez[42].
On se trouve là face à l'aspect "le plus pulsionnel" de la pulsion
de mort en "ce qu'elle poursuit inlassablement et silencieusement le
désinvestissement, la déliaison, la disjonction
l'évanouissement du sujet, l'effacement de la trace sur un mode
asymptotique ce qui [...], dans un mouvement d'anticipation, peut faire
émerger un désir d'anéantissement impensable". Cela pose la
question des représentations qui l'accompagnent, de leur reprise et de
leur métabolisation dans l'activité psychique et l'économie
pulsionnelle.
Au terme d'un travail dans lequel elle a cherché
à montrer comment la référence aux pulsions de mort n'est,
non seulement, "pas une abstraction" mais comment cette dernière a un
"impact direct sur la pratique"
[43], Nathalie
Zaltzman propose deux
hypothèses de recherche :
- d'une part, avancer dans la connaissance de
l'"activité de Thanatos" implique que l'on pose comme probable une
"multiplicité de pulsions de mort". De même que l'on évoque
les complexités des pulsions sexuelles sans les amalgamer en une pulsion
de vie unique, il semblerait que l'on puisse distinguer une diversité de
pulsions de mort dans leurs destins;
- d'autre part, certaines de ces
pulsions prennent le "relais" des pulsions sexuelles, et réciproquement,
"à la recherche d'une résolution dans un conflit en impasse".
D'autres pulsions de mort n'"établissent aucune association, aucun
croisement possible avec la sexualité. Elles fonctionnent, dès
l'origine et prioritairement, pour elles-mêmes", procurant "une
jubilation, une extase d'anéantissement, irréductibles à
nos repères actuels".
Pour Piera
Aulagnier de son
côté, Thanatos représente "toutes les forces de la
déliaison, du négatif, du rejet, de la néantisation, de la
haine, mais aussi - comme dans la spéculation freudienne -, d'une
contrainte interne à la constance, à la quiescence, à
l'amont de toute perturbation par les tensions internes ou externes qu'elles
soient sexuelles ou non sexuelles, instinctuelles ou pulsionnelles, et à
tous les niveaux du sujet constitutives par leurs équilibrages
aléatoires"
[44]. Cette pulsion se situe
dans la proximité des théories de l'archaïque et du primitif
qui introduisent la violence primitive, l'agressivité archaïque et
l'autodestruction. Thanatos est introduit répétitivement comme
force antagoniste vis à vis d'Éros, dans l'espace postulé
de l'originaire, avec son représentant, le pictogramme.
Pour une approche plus détaillée de la
conception "du travail de Thanatos" et de ses "potentialités" dans la
pensée délirante du psychotique, nous renvoyons le lecteur aux
travaux de Piera Aulagnier
[45], nous
contentant, pour notre part, de mettre ici l'accent sur son concept de haine
radicale, soumise aux visées de Thanatos. L'originalité du propos
tranche d'autant plus que peu d'auteurs contemporains continuent à penser
au concept de pulsion de mort en fonction de la haine, même si cette
dernière paraît souvent en revêtir le masque. Pour Piera
Aulagnier, dans l'originaire, l'objet excitant entraînerait quelque chose
de plus que la "haine", le déplaisir de l'excitation engendrant un
plaisir d'auto-destruction, première manifestation de la pulsion de mort.
"Nous assistons à la manifestation d'une haine radicale, présente
d'emblée, pour une activité de représentation dont
l'entrée en action présuppose, à cause de sa liaison avec
le corporel, la perception d'un état de besoin que sa fonction est
d'annuler". Cette haine radicale, cette agressivité archaïque
pré-objectale, s'attaque à un espace corporel vécu comme un
"Hors-Soi" dès qu'il se manifeste, et permet de reconnaître son
origine dans la pulsion de mort du fait de la présence de cet
"au-delà d'un principe de déplaisir". Ce "Hors-Soi", qui
représente aussi les productions de la psyché maternelle, est
créateur d'une violence primaire nécessaire. Il peut induire des
signifiants trop nombreux (excès), ou trop "énigmatiques", pour
l'enfant qui les rejette (pictogramme de néantisation), et se met ainsi
à 1’abri d'un "danger psychique", si, dans un second temps, une
"violence secondaire maternelle" ne vient pas à s'exercer.
Il semble que l'on puisse retrouver là certains
éléments de ce que Conrad
Stein à tenté de
cerner par la reconnaissance, au sein du processus psychanalytique, de cette
"séductrice perverse qui nous persécute et dont nous portons
l'image en nous"
[46].
Cette vue ouvre les questions de la haine et du
contre-transfert : "Puisqu'en même temps cette séductrice nous
séduit et nous persécute, la séduction et la haine sont
déjà réunies dans le seul fait de la désigner". Et
Conrad Stein pense, ici, au "lien qui s'établit entre le patient et le
psychanalyste dans une sourde haine semblable à celle qui assure avec une
mère - indiscutable figure de séductrice - des liens à tel
point fonciers que cette haine ne saurait être conçue que dans la
pérennité, en deçà de la naissance et au-delà
de la mort".
Dans son rapport à la mort, c'est, pour l'essentiel,
dans la rencontre avec la "mort psychique" que le psychanalyste verra surgir en
lui toute une série d'effets contre-transférentiels. J.-B.
Pontalis[47]
tente en une formule, de rendre compte de l'aspect "touché au vif -
touché au mort" de certains contre-transferts : "le "touché au
mort" indique la mort de la réalité psychique et c'est là,
avec cette rencontre, qu'il y a emprise du contre-transfert". À ce
propos, J.-B. Pontalis note que lorsqu'il parle de mort par meurtre ou
effacement de la réalité psychique, face aux "puissances
destructrices massivement agissantes", il n'éprouve pas la
nécessité de se référer à la pulsion de mort.
Cela reviendrait, pour lui, à n'avoir d'autre but que d'utiliser un
"signifiant magique" qui recouvrirait les signifiés les plus divers et
masquerait ainsi la réalité psychique absente qui reste "à
restaurer, à inventer".
Cette même démarche se retrouve chez Michel de
M'Uzan lorsqu'il pense que s'il
s'agit d'examiner des faits cliniques, et en particulier ceux qui rendent compte
du problème de la mort, mieux vaut mettre à l'écart toute
référence à l'instinct de
mort
[48]. Autrement, "entraîné
dans une discussion interminable qui, certes a son utilité, mais à
un tout autre niveau, on risque de perdre le contact avec la
réalité". La clinique le porte, pour sa part, "à mettre
moins l'accent sur un instinct de mort que sur des modalités de
fonctionnement de l'instinct, ou si l'on préfère, sur son
destin".
Destins, destins de l'instinct, figures de l'instinct de
mort, figures du destin... Au-delà de la clinique, ne pourrions-nous
penser à ce que Freud tentait d'illustrer dans
Le motif du choix des
coffrets
à propos des "trois formes sous lesquelles se présente au cours de
la vie l'image de la mère la troisième, "silencieuse déesse
de la Mort", venant recueillir, dans ses bras, l'homme au crépuscule de
sa vie ? Pour conclure ce chapitre, et non le clore, rappelons ce que Robert
Barande propose
d'interpréter sur ce qu'il pense être l'hypothèse du "mythe
de la pulsion de mort" chez Freud : "La survivance inconsciente du tabou de
l'inceste" s'est avérée déterminante pour
l'élaboration de la notion de pulsion de mort. "Destiné à
barrer l'approche de la mort inexorable et le visage qui la porte sur lequel
Freud craint de découvrir la figure de son désir incestueux, celle
de sa mère interdite, le compromis névrotique sera d'instituer la
mort en lui-même, depuis toujours là,
au-delà"
[50].
Avant de conclure, il nous faut souligner une omission et
deux absences. L'omission, importante mais volontaire, concerne Melanie
Klein à laquelle,
directement ou indirectement, bon nombre d'auteurs cités se sont
référés. Sans expliciter davantage ses propositions connues
de tous, car tel n'était pas le dessein que nous nous étions
assigné, rappelons, en un mot, l'essentiel de sa théorie en ce qui
concerne la pulsion de mort l'hypothèse, dès l'origine,
d'angoisses persécutives liées à la pulsion de mort, venant
ensuite se focaliser sur l'objet.
La première des deux absences
concerne le langage. Jacques
Lacan, qui ne voit pas la
nécessité de recourir à la notion, pour lui
"périmée", de masochisme primaire, rattache l'instinct de mort et
la répétition au "moment où le désir s'humanise".
Moment qui est aussi celui "où l'enfant naît au
langage"
[51]. La métaphore du jeu de la
bobine, accompagnée du Fort ! Da !, lui permet d'appréhender
l'organisation symbolique qui "se manifeste d'abord comme meurtre de la chose"
et qui "constitue dans le sujet l'éternisation de son désir".
Louis
Beirnaert, dans un bel
article
sur La pulsion de mort chez
Freud,
rend hommage à la thèse lacanienne en mettant l'accent sur ce
"fond de silence que la pulsion de mort introduit et maintient dans les
manifestations de la vie, et notamment dans le discours".
La seconde absence concerne la mélancolie et le
mélancolique dont le surmoi apparaît à Freud comme "une
culture de la pulsion de mort"
[53]. Julia
Kristeva, dans un texte
récent
[54], articule dépression,
mélancolie et pulsion de mort. Pour cet auteur, la mélancolie
serait l'expression la plus radicale de l'effondrement de la
séquentialité biologique et logique du désir, et la pulsion
de mort serait l'inscription primaire de cet effondrement, l'inscription
primaire de la discontinuité (trauma et perte).
À présent il est temps de
conclure.
Toute psychanalyse nous parle de mort, de morts et de la mort
insinuée dans la vie... mais est-ce pour autant que toute psychanalyse
nous parle de pulsion de mort ? Et si oui, comment et à quelles
conditions ?
À ces interrogations qui se posent à nous dans
notre quotidien théorique et clinique, nous souhaiterions proposer en
guise de réponses, toute une série d'autres questions :
- La
dialectique pulsion de vie - pulsion de mort est-elle fondamentale ? N'y
aurait-il pas, comme le dit Jean Gillibert, un risque d'encourir "le monisme du
néant : toute vie va à sa mort" ?
- Le "désir de
mort" est-il "mort du désir" ? En d'autres termes, quels sont la source,
l'objet, le but de la pulsion de mort ? Sur quelles représentations et
sur quels affects reposent-ils ? Sommes-nous à ces moments dans un
au-delà ou dans un en deçà ( ou peut-être les deux
à la fois ), du figurable et de l'analysable ?
- Lorsque l'on tente
de substantifier la pulsion de mort et que l'on parle de destruction,
d'autodestruction, d'apathie, de violence, de nirvâna, de rejet, de trop
plein ou de vide d'excitation, de sentiment d'inexistence et de
néantisation, de vide de la pensée, de rage, de disjonction, de
déliaison, de désymbolisatian, de travail du négatif, etc.,
à quelle logique interne de la pulsion a-t-on affaire ? N'a-t-on pas
à rendre compte d'une autre logique de la pulsion ?
- À
propos de logique, Michel Neyraut propose un élément de
réponse que nous aimerions signaler. Pour lui, la nouvelle logique
qu'implique 1'"Au-delà" fait comprendre que la répétition
soutient la tautologie du discours, et que la tautologie est elle-même
la manifestation la plus sensible d'une pulsion de
mort.[55]
- Y aurait-il un lien entre les différents destins de
la pulsion de mort et cette autre logique dont on pourrait être
amené à rendre compte ?
- En d'autres termes, la pulsion de
mort ne pose-t-elle pas, pour l'essentiel, et de manière cruciale, la
question des pulsions comme êtres mythiques que l'on voit moins
s'affronter dans le conflit cliniquement observable que dans un combat qui
dépasse l'individu humain, puisque se retrouvant chez tous les
êtres vivants ?
- Ou encore, la pulsion de mort ne
fonctionnerait-elle pas comme un mythe originaire dans l'appareil
métapsychologique dont dispose tout psychanalyste ?
- S'il y a une "nécessité" à l'établissement,
et au maintien, du concept de pulsion de mort, ceci est-il lié à la
tragédie
de la psyché ou à la tragédie de l'éthique,
c'est-à-dire à la sanction de tout excès ?
- Enfin, quels liens peut-on établir entre la notion psychologique de
pulsion de mort et la biologie ? Par ailleurs un biologiste, ou un
immmunologiste, parlant aujourd'hui de la mort à l'œuvre dans
la vie, peut-il admettre l'idée de pulsion de mort ?
[1] Sulloway, F. J.,
Freud biologiste de l'esprit, Paris,
Fayard, 1981,
[2] Laplanche (J.) et
Pontalis (J.-B.),
Vocabulaire de la
Psychanalyse, Paris, PUF, 1967.
[3] M’Uzan, M
de, « Freud et la mort », 1968, in
De l'art à la mort, Paris,
Gallimard, 1977.
[4] Freud S.,
« Le Moi et le ça » (1923), in
Essais de psychanalyse, Paris, Payot,
1981.
[5]
« Au-delà du principe de plaisir » (1920), in
Essais de psychanalyse, Paris, Payot,
1981.
[7] Laplanche (J.) et
Pontalis (J.-B.),
Vocabulaire de la
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[8]
Abrégé de psychanalyse
(1938), Paris, PUF, 1975.
[9] Laplanche
J.,
Problématique, IV, L'inconscient et
le ça, Paris, PUF, 1981.
[10] Green A.,
« Pulsion de mort, narcissisme négatif, fonction
désobjectalisante », in
La
pulsion de mort, Premier Symposium de la Fédération
Européenne de Psychanalyse (Marseille, 1984), PUF, 1986.
Narcissisme de vie, narcissisme de
mort, Paris, éd. de Minuit, 1983.
[11] Que ces
dernières soient intriquées à la pulsion sexuelle - par
exemple les "masochismes" -, ou non : psychoses révélant une
désintégration du Moi, dépressions graves conduisant au
suicide, névroses graves et névroses de caractère,
structures narcissiques, cas limites, deuils indépassables, angoisses
catastrophiques ou impensables, craintes d'annihilation ou d'effondrement, de
mort psychique, sensations de gouffre, de trou sans fond, d'abîme,
etc.
[12] Lacan J.,
« L'agressivité en psychanalyse », Rapport à
la XIè Conférence des Psychanalystes de Langue française,
Bruxelles, 1948, in
Revue française de
Psychanalyse, XII, 3, 1948, et in
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1966.
[13] Pasche F.,
« L'antinarcissisme », 1964, in
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[14] Green A.,
« Pulsion de mort, narcissisme négatif, fonction
désobjectalisante », in
La
pulsion de mort, Premier Symposium de la Fédération
Européenne de Psychanalyse (Marseille, 1984), PUF, 1986.
[15] Leclaire S.,
On tue un enfant, Un essai sur le narcissisme
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[16] Grunberger B.,
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[17] Laplanche
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Problématique, IV, L'inconscient et
le ça, Paris, PUF, 1981.
[18] Laplanche
J.,
« La pulsion de mort dans
la théorie de la pulsion sexuelle », in
La pulsion de mort, Premier Symposium
de la Fédération Européenne de Psychanalyse, Marseille,
1984, PUF, 1986.
[19] Laplanche
J.,
Problématique, IV, L'inconscient et
le ça, Paris, PUF, 1981.
[20] Green A.,
« Pulsion de mort, narcissisme négatif, fonction
désobjectalisante », in
La
pulsion de mort, Premier Symposium de la Fédération
Européenne de Psychanalyse (Marseille, 1984), PUF, 1986.
[21] Laplanche
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la théorie de la pulsion sexuelle », in
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de la Fédération Européenne de Psychanalyse, Marseille,
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[22] Marty P.,
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[30] Freud S.,
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