DOGMA

Angèle Kremer Marietti

 

NIETZSCHE, LA MÉTAPHORE ET LES SCIENCES COGNITIVES

Colloque International de Philosophie
« Penser après Nietzsche »
Hammamet (Tunisie) les 24, 25 et 26 mars 2000
Paru dans la Revue Tunisienne des Etudes Philosophiques, N° 28-29, 2001.

(Bibliographie)

À toutes les étapes de son écriture, Nietzsche a recours à un style métaphorique ; il ne se contente donc pas de dire que tout langage et par là toute pensée a une origine métaphorique, il use également de la métaphore pour exprimer plus fortement sa pensée. Il en est ainsi surtout dans son Zarathoustra qui jouit, outre de la métaphore de la danse - puisque Zarathoustra est un danseur -, de la signification de tout un bestiaire comprenant avant tout les animaux domestiques de Zarathoustra qui sont doués de parole, l’aigle, l’animal le plus fier, et le serpent, l’animal le plus rusé, mais encore le chameau, le lion jaune, une envolée de colombes, des grenouilles, la vache multicolore, enfin le singe qui est la dérision de l’homme.

De même, le soleil est la source de l’énergie vitale ; il est présenté comme l’œil de la connaissance : Nietzsche évoque l’œil de l’esprit ainsi que les yeux d’Ulysse(1), ou bien le troisième œil qui « regarde le monde à travers les deux autres »(2) ; mais il évoque d’une manière nettement péjorative l’œil cyclopéen de Socrate(3). Quant à la grande journée de Zarathoustra, elle est traversée par les phases solaires : Zarathoustra se lève et se couche comme le soleil et, de même, descend et remonte les pentes de la montagne. Déjà, dans la Naissance de la tragédie, Apollon, le dieu solaire, signifiait l’intelligible et les arts plastiques, tandis que Dionysos le ténébreux révélait à l’homme la face cachée du monde et de l’existence.

Ce n’est pas à proprement parler la métaphore en tant que rapportée à l’expression qui est ici mon propos, ni même l’utilisation philosophique de la métaphore par Nietzsche (4). Ce qui peut être également intéressant d’un point de vue épistémologique, c’est l’analyse nietzschéenne des phases de la conceptualisation se succédant à partir du courant des images passant par les mots pour aboutir aux concepts. Par ailleurs, je n’ai nullement l’intention d’affirmer que Nietzsche est un précurseur des sciences cognitives ; toutefois, je veux montrer que le « tournant rhétorique » (5) qui fut celui de Nietzsche (comme on a parlé par ailleurs de ‘tournant linguistique’) est loin d’être une pure vue de l’esprit. Si les positions nietzschéennes ont pu être jugées, à plus d’un titre, intempestives, désormais elles sont d’actualité depuis que la métaphore est devenue un objet d’étude des sciences cognitives et, surtout depuis que nos principales notions concernant la signification, les concepts et la raison ont dû être repensées à la lumière des plus récentes études cognitives mettant en valeur la nature et l’importance de la métaphore(6).

Nous finissons la troisième décennie de la Science cognitive ; celle-ci concerne des disciplines aussi variées que la linguistique, l’intelligence artificielle, la psychologie cognitive, les neurosciences, et naturellement la philosophie. Est «cognitif » tout processus mental associé, d’une manière générale, à la compréhension, mais encore à la formulation des croyances et à l’acquisition du savoir.

Parmi ces sciences, les neurosciences étudient le fonctionnement des capteurs sensoriels. Ainsi, par exemple, on voit (7) avec son cerveau ; la vision est une forme d’intelligence, car elle peut s’apparenter à un véritable raisonnement. Ainsi, la perception n’est pas une simple copie de la réalité ; elle ne se produit que comme le résultat d’un grand nombre de calculs effectués par un grand nombre de réseaux, à l’occasion d’une confrontation avec la réalité. Actuellement des analysées détaillées ont pu être menées, relatives à la manière dont les métaphores structurent réellement notre conceptualisation et notre raisonnement. Nous avons donc la confirmation que la métaphore n’est pas un simple phénomène du langage, mais qu’elle est définitivement un processus conceptuel et ‘expérientiel’ par lequel nous structurons notre univers. Comme l’écrit Mark Johnson : «Nous avons obtenu des aperçus profonds sur les voies d’après lesquelles notre système conceptuel et toutes les formes d’interaction symbolique sont fondés sur notre expérience corporelle et, dès lors, structurés selon un mode imaginatif» (8).

 

1. La métaphore à l’origine du langage et de la pensée

L’intérêt de Nietzsche pour les processus symboliques est présent dès ses premiers travaux : en particulier dans l’œuvre fondamentale de La naissance de la tragédie(9) (les textes datent de 1870 à 1872), ainsi que dans les écrits de 1872 à 1875 que j’ai traduits et édités sous le titre Le livre du philosophe(10) . Notons aussi que ses dissertations de jeunesse en témoignent également(11) et que ce souci se retrouve même dans la période positiviste du grand œuvre publié sous le titre Humain, trop humain(12), donc dans les années 1876-80. Il en va de même bien au-delà, puisque, en 1886, dans l’ «Essai d’une critique de soi-même »(13), Nietzsche affirme explicitement que le « terrain de l’art » est celui sur lequel doit se poser le problème de la science. Mais que veut-il dire exactement ?

Nietzsche interprète les processus symboliques de toute pensée comme appartenant à la fiction (Fiktion ou Erdichtung) comprise comme l’activité d’art qui caractérise la pensée en tant que ses créations sont à la fois du domaine de l’art et de la nature, et qu’elles concernent plusieurs générations humaines ; la nature elle-même est saisie par Nietzsche sur le terrain de l’art (14). Ainsi, Nietzsche évoque la « fiction complète » (vollständige Fiktion) que représente pour lui la pensée logique, ou encore « notre fiction » de ce que sont en fait les choses, ou enfin la fiction « nécessaire » constituée par les concepts de ‘sujet’, de ‘substance’ et de ‘raison’.

Nietzsche affirme cependant que sans la fiction - ce qui veut dire en fait sans la pensée - , et surtout sans reconnaître une valeur aux fictions logiques, l’être humain ne saurait vivre. Il n’en demeure pas moins que pour Nietzsche certaines fictions sont vides : par exemple celle de l’ « être » ; d’autres sont inutilisables hors de tout contexte : ce sont l’‘esprit’, la ‘raison’, la ‘pensée’, la ‘conscience’, l’ ‘âme’, la ‘volonté’, la ‘vérité’ ; enfin d’autres sont régulatrices comme la fiction de l’inconditionné (das Unbedingte de Kant). Et, quand il traite de l’interprétation, Nietzsche la voit également dépendre de fictions psychologiques.

Pour Nietzsche, le présupposé du grand art est l’intelligence du monde à travers les symboles : c’est de ce point de vue heuristique qu’il envisage l’art, aussi invite-t-il à considérer l’art non pas, écrit-il, en tant qu’effet paralysé, mais en tant que cause prodigieuse et remède de la connaissance.

Sous toutes les métaphores nietzschéennes, il faut comprendre que les processus symboliques sont assimilables aux procédés de l’art ; or, Nietzsche souligne que ces processus sont à l’origine de l’intelligence de tout ce qui nous entoure. C’est pourquoi le procès originaire de toute apparence est selon Nietzsche essentiellement artistique. Et, puisque toute forme d’art comporte un degré de rhétorique, quand on envisage l’art, la rhétorique n’est pas loin. Or, les figures de rhétorique sont l’essence du langage (15).

En effet, la rhétorique est tout entière présente à la fois dans le discours et dans son objet. Nietzsche a remarqué très tôt le lien étroit existant entre la pensée et le langage ; il écrit dans le brouillon d’un cours sur l’origine du langage : « toute pensée consciente n’a été possible qu’à l’aide du langage ». Langage et pensée n’ont d’autre origine pour Nietzsche que rhétorique. Le langage véhicule la copie d’une impression ou d‘une émotion en lui ménageant sa réception. Pas plus que la rhétorique, le langage n‘octroie la vérité des choses, mais il est un moyen prodigieux d’expression et de communication entre les hommes.

On connaît le passage du texte de 1873, « Sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », dans lequel Nietzsche présente la vérité comme une « multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d’anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement haussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple fermes, canoniales et contraignantes : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur empreinte et qui entrent dès lors en considération, non plus comme pièces de monnaie, mais comme métal. »(16)

Dans la phénoménologie de la conscience et de la pensée (inconsciente(17) ou consciente(18)) proposée par Nietzsche, à l’origine il y a donc l’excitation nerveuse ; et ce qui traduit l’excitation nerveuse en images s’articule en des étapes successives. L’expressivité se manifeste dans les tropes. Dans son cours sur l’Ancienne rhétorique (1872-1873), Nietzsche caractérisait les procédés que sont la synecdoque, la métaphore et la métonymie : c’est-à-dire les tropes qui sont, affirmait-il, « le procédé artistique le plus important de la rhétorique ». Par exemple, la synecdoque cite une partie pour le tout, la voile au lieu du bateau : on retrouve dans le langage l’application de ce modèle de désignation ; ainsi, le terme latin « serpens » (en français ‘serpent’) vient-il de la caractérisation de ce qui rampe ; il est certain que « serpens » aurait pu désigner l’escargot, mais ce ne fut pas le cas. La métaphore déplace les significations, transpose le lieu sur le temps ; par exemple, on dit en allemand : « Zu Hause », à la maison, et « Jahraus », durant l’année. Enfin, la métonymie est commutation de la cause et de l’effet : dans certains cas, on peut dire « sueur » pour travail, ou même « la pierre est dure » au lieu de dire seulement qu’elle nous paraît dure.

Toutes ces tournures sont inhérentes au langage dans s a manière de constituer le sens propre à partir du sens figuré. Jean-Jacques Rousseau avait déjà remarqué dans son Essai sur l’origine des langues (1781)(19) le passage obligé du sens figuré au sens propre d’un terme. Nietzsche remarque donc que tout discours commence par une première figuration. Toutefois, une fois que la langue est constituée, ce procédé originaire n’empêche qu’il existe des règles à suivre pour défendre la clarté de la langue et donc des fautes à éviter dont certaines concernent la négligence de la propriété des mots. La ‘propriété’ (en grec, kyriologia étant la signification propre d’un mot) est l’emploi d’un mot avec le maximum de sa signification. C’est dans cette volonté de clarté que Cicéron se dressait contre l’abus des métaphores ; pour lui les expressions propres existaient en nombre suffisant pour éviter l’emploi des métaphores. Cependant, Aristote pensait que l a métaphore était utile car elle servait à visualiser les relations ; et il illustrait son propos d’une phrase d’Empédocle « La vieillesse est à la vie ce que le soir est au jour ; aussi peut-on appeler le soir la vieillesse du jour et la vieillesse le soir de la vie » (Rhétorique, III, 2). Outre la métaphore, Nietzsche reconnaissait dans la synecdoque un phénomène puissamment actif dans la formation de la langue : en sanscrit, kesin signifie ‘le chevelu’ et désigne le lion vu comme le « chevelu ».

Mais, en ce qui concerne tout particulièrement la formation des concepts, donc, au-delà du langage, dans le domaine propre à l a pensée, le trope le plus efficace était pour Nietzsche la métonymie : les termes abstraits désignent des qualités en nous et hors de nous ; or nous percevons celles-ci dépouillées de leur support et dès lors ces termes acquièrent à nos yeux l’autonomie des essences. Nietzsche reprend cette idée en la critiquant dans le premier livre de Humain, trop humain, § 15: « ainsi les philosophes en général transportent le concept de ‘dedans et dehors’ à l’essence et au phénomène du monde » (20). La réification du concept est à l’origine du platonisme, la conception de deux mondes, l’un parfait et originel, l’autre simple copie du modèle. En fait, Nietzsche pense que le concept n’est « ni dedans ni dehors dans le monde ». Socrate commençait prudemment par interroger sur la beauté en tant qu’Idée à partir des belles marmites et des belles jeunes filles. Pour Nietzsche, les concepts sont élaborés à partir de notre sensibilité, mais nous les considérons abusivement comme s’ils étaient l’essence des choses. C’est ainsi que l’apparence des choses devient pour nous l’essence des choses. Par conséquent, les termes abstraits semblent désigner des réalités qui seraient la cause des qualités, alors qu’ils ne sont que l’effet de ces mêmes qualités (21).

Dans sa Critique du jugement, Kant voyait déjà l’hypotypose comme l’image sensible pouvant se présenter soit comme schématique et liée à la science, soit comme symbolique et liée à l’art. L’épistémologie de Nietzsche(22)  est, d’une certaine manière l’aboutissement radical ou, si l’on préfère, la parodie de certaines thèses kantiennes. En concevant cette épistémologie comme « réfléchissante », c’est-à-dire non pas comme « déterminante », j’applique la distinction kantienne entre jugements déterminants et jugements réfléchissants. La notion kantienne de « réflexion » concerne la prise de conscience de la relation des représentations actives aux diverses sources de notre connaissance en rapport à l’entendement et à la sensibilité (voir, dans la Critique de la raison pure, l’Amphibolie des concepts de réflexion). N’ayant pas nécessairement affaire aux objets eux-mêmes, la réflexion peut, selon les points de vue adoptés, donner lieu à une vérité multiple - ou perspectiviste dans le sens de Nietzsche - c’est-à-dire une vérité dont le seul critère réside dans l’évaluation et, plus précisément, dans les différents types possibles d’évaluation.

En effet, alors que pour Kant le schème donne à un concept son image, Nietzsche inverse la démarche et considère l’image en tant que telle. Surtout, il y joint les images ultimes ou premières du temps et de l’espace, qui étaient pour Kant les formes a priori de notre sensibilité ; et il y ajoute la causalité  : « Temps, espace et causalité ne sont que des métaphores de la connaissance par lesquelles nous interprétons les choses »(23). Nietzsche reste kantien ; mais il table essentiellement sur l’imagination qui, selon Kant dans la Critique du jugement, s’exerce « pour le contenu de la réflexion » et par l’idée esthétique qui donne à penser sans que lui soit adéquat quelque concept.

Il est possible, sur ces présupposés, de situer Nietzsche dans le contexte d’une recherche qui nous est contemporaine. Tout d’abord on peut le comprendre dans le champ de la connaissance ou de la « fiction » du sujet : je pense en particulier aux travaux psychologiques et psychanalytiques, et surtout aux processus oniriques et à leur interprétation, pour lesquels Nietzsche a devancé Freud : dans Humain, trop humain, I, l, § 13, Nietzsche étudie ce qu’il appelle la « logique des rêves ». D’après lui, cette logique utilise « les impressions visuelles de la journée » : l’humanité pensait en son commencement, comme nous continuons à rêver aujourd’hui ; et, quand il est pris dans le « monde du rêve »(24), le penseur n’accède pas à l’abstraction.

On retrouve, dans ce qu’on appelle actuellement la philosophie de l’esprit et même dans les sciences cognitives, certaines affirmations nietzschéennes qui furent longtemps jugées intempestives, alors que Nietzsche tentait d’être lucide sur la véritable marche de la pensée à travers les processus symboliques originaires. Pour une large part, les questions et les réponses des recherches actuelles sont apparentées aux thèses nietzschéennes. Je m’en tiendrai aux questions concernant les textes sur les processus rhétoriques.

Certaines des thèses contemporaines sur la métaphore se rapprochent, en effet, des thèses nietzschéennes. Colin Murray Turbayne a été parmi les premiers à expliquer que le problème de la philosophie de l’esprit était "de faire remonter à la surface ces métaphores étendues submergées ou partiellement submergées dans les considérations des métaphysiciens influents du passé"(25). Plus précisément et plus récemment, George Lakoff et Mark Johnson(26) ont développé une position qu’ils dénomment ‘expérientia liste’, opposée à la fois à l’objectivisme et au subjectivisme, et que reprend Thomas Leddy(27) qui traite du statut ontologique de la métaphore. En ce sens, Leddy va plus loin que Lakoff et Johnson en affirmant, tout comme Nietzsche – « outre le fait que nous pensons le monde en termes de métaphores conceptuelles - que les éléments constitutifs de notre expérience du monde sont métaphoriques » (28). Comme Nietzsche, Leddy fait dépendre du processus de la métaphore les objets de la philosophie traditionnelle, jusqu’à la « vérité » qui devient, elle aussi, « métaphorique ». Donc, tout comme Nietzsche, pour Leddy, les essences sont par nature métaphoriques avec, à la base, comme le pensent Lakoff et Johnson, l’idée que la vérité (donc aussi la vérité métaphorique) est tout à la fois une affaire de correspondance, de cohérence et de pragmatisme.

L’intérêt que je ressens moi-même à m’orienter vers cet aspect de la philosophie de Nietzsche rejoint mon souci de connaître ce que Husserl appelait « notre origine épistémologique », et que j’ai manifesté, entre autres essais, dans La symbolicité(29), aussi dans un article que j’ai rédigé en anglais sur la philosophie considérée comme théorie du symbolique (30), tout comme dans La raison créatrice (31) et dans l’article intitulé « La référence fictionnelle du texte » (32). On retrouve le même esprit d ans mes premiers travaux sur Nietzsche et dans ceux qui les suivirent. Mais je dois ajouter que l’orientation de ma curiosité n’a rien de subversif relativement au statut de la rationalité scientifique dont je pense qu’elle travaille à constituer l’objectivité pleine et entière des concepts scientifiques, même si, en définitive, la conceptualisation dépend indirectement d’une métaphorisation originaire.

 

2. Les processus symboliques évoqués par Nietzsche

En réalité, Nietzsche reliait étroitement le fait de connaître les processus symboliques à l’espoir d’une thérapie philosophique inhérente à cette mise au jour et même à l’idée d’une philosophie tout simplement thérapeutique qui aurait pour finalité la médication de la culture (33). Ainsi, bien au-delà de ce qui pourrait apparaître comme un conflit entre l’art et la science qu’il a d’ailleurs évoqué (34), et même au-delà de l’idée d’une philosophie accentuant une éventuelle opposition qui éloignerait la science de la sagesse (35), l’intuition des processus symboliques qui est celle de Nietzsche s’impose à l’attention de ceux qui étudient sérieusement ce qu’on appelle l’esprit ou la pensée. Certes, Nietzsche extrapolait sa position jusqu’à l’idée que la philosophie en viendrait à contrôler le développement de la science et à fixer la table des valeurs de la civilisation (36).

Alors, la vérité se tiendrait, pour Nietzsche, dans une zone qui ne serait plus ni subjective ni objective, mais encore comme l’avance Thomas Leddy, dans le fait que les essences ne sont autres finalement que des métaphores. Nietzsche parle des termes abstraits, les abstracta, qu’une fois obtenus on prend ensuite pour des essences, là où Leddy ne parle que des essences. Et Leddy distingue essences et concepts ; ces derniers qui résident en principe dans l’esprit peuvent toutefois structurer notre monde objectif. Mais Nietzsche affirme aussi que les concepts nous sélectionnent, donc agissent pragmatiquement, au-delà de la correspondance et de la cohérence qui les caractérisent néanmoins, aussi bien pour Nietzsche que pour les ‘expérientialistes’. En effet, pour Nietzsche, même si les abstracta ne sont que des effets et nullement des causes, ils correspondent métaphoriquement au monde ; de plus ils maintiennent entre eux une cohérence et agissent physiquement sur nous. L’origine et la fin du « processus artiste » demeure physiologique en passant par le médium du monde matériel :

« La science de la nature oppose maintenant à cela la vérité naturelle absolue : la physiologie supérieure comprendra assurément déjà dans notre devenir les forces artistes, non seulement dans le devenir de l’homme, mais aussi dans celui de l’animal : elle dira que l’artistique commence aussi avec l’organique.»(37)

Quelles que soient les positions du philosophe, les déductions qu’il peut en tirer relèvent de sa responsabilité. Ce qui demeure objectivement intéressant pour les chercheurs dans la philosophie cognitive, ce sont les données que Nietzsche a dégagées et dont il voit lui-même se propager le progrès ultérieur. Précisément, les processus symboliques consistent dans des développements sélectifs d’images et de représentations dans le cours de la pensée, avant de devenir parfaitement abstraits en se réduisant jusqu’à la forme du concept. Nietzsche note dans ce mouvement un double cursus : d’une part, il voit qu’il existe une force, un pouvoir ou une faculté capable de produire des images, à partir de quoi, d’autre part, s’ajoute l’action d’un autre pouvoir capable de choisir parmi ces mêmes images (38).

À ce niveau, une double question peut se poser ; elle concerne la production des images et leur choix ou du moins le critère de leur choix. Tout d’abord, la production des images est un fait : l’image « naît » pour ainsi dire sans que sa naissance ne fasse question. C’est l’image qui agit et met, par exemple, les membres en mouvement. Quant à « l’état esthétique » général qui inspire les images, il est un produit des états de plaisir et de désir appartenant, affirme Nietzsche, à la vigueur physique excessive.

Quant à la question du choix des images et de leur sélection, elle n’est pas sans s’apparenter à la question de la norme et du critère, du moins à une exigence diversifiée qui risque d’échapper à la conscience. Cette question apparaît donc dans les textes des années 1872-1873 réunis dans Le livre du philosophe ; mais elle est à nouveau évoquée plus tard et traitée, entre autres, dans Le gai savoir (III, §111) (39), où Nietzsche décrit le « processus de pensées et de conclusions logiques dans notre cerveau actuel » comme répondant « à un processus et à une lutte d’impulsions qui par elles-mêmes sont toutes fort illogiques et iniques ». Nietzsche rappelle que ce qui se déroule alors n’est autre que « l’ancien mécanisme » de la première humanité, mais « de façon si rapide et si dissimulée que nous ne nous apercevons jamais que du résultat de la lutte ». Toutefois, ce combat se livre compte tenu de nos évaluations « qui sont peut-être le moyen grâce auquel quelque chose d’essentiellement différent doit être atteint, comme cela semble à l’intérieur de la conscience » ; toutefois ce qui nous semble être l’enjeu intérieur n’est peut-être lui-même finalement « qu’un moyen pour nous d’atteindre quelque chose qui se tient à l’extérieur de notre conscience » (40).

Voilà qui serait, de la part de Nietzsche, une vision, pour ainsi dire, intérieure ou mentale des processus, mais qu’il réfère à tout un soubassement physiologique. Les cognitivistes contemporains reconnaissent un système d’échanges entre les neurones. La vision extérieure fait que les concepts se surimposent sur les données sensorielles, de sorte que les modes de la mise en ordre seraient une accommodation de ces données, tandis que la conceptualisation ne serait autre déjà que le processus cognitif, même à son niveau le plus bas(41). Nietzsche va déjà dans ce sens. 

Sur cette base organique, nantie d’un tel système de connaissance, la structure grammaticale est première pour Nietzsche - notons que tel est le point de vue de la grammaire générative de Chomsky(42) – par rapport à la pensée consciente et par rapport à l’opposition sujet/objet. Pour Nietzsche, c’est véritablement un « instinct » qui nous pousse à « former des métaphores » ; et cet instinct est « fondamental »(43) : sur cette base, d’abord le langage ensuite la science travaillent à la construction des concepts (44). Or, de nos jours, on ose enfin parler de « l’instinct du langage » : voir le titre du livre de Steven Pincker(45) qui écrit : « Tous les nouveaux-nés viennent au monde avec des compétences linguistiques »(46). Pour Nietzsche l’instinct du langage ne fait aucun doute ni d’ailleurs, en conséquence, l’instinct de la science, autrement dit au minimum ce qu’on appelle le ‘bon sens’, mais il n’entend pas celui-ci d’une manière formelle ni logique ; c’est en naturaliste que Nietzsche écrit  :

« Comme l’abeille travaille en même temps à construire des cellules et à remplir ces cellules de miel, ainsi la science travaille sans cesse à ce grand columbarium des concepts, au sépulcre des intuitions, et construit toujours de nouveaux et de plus hauts étages, elle façonne, nettoie, rénove les vieilles cellules, elle s’efforce surtout d’emplir ce colombage surélevé jusqu’au monstrueux et d’y ranger le monde empirique tout entier, c’est-à-dire le monde anthropomorphique. »(47)

Je relève, dans le texte précédent le terme ‘anthropomorphique’, pour souligner qu’il ne s’agit certes pas d’un anthropomorphisme primaire. La science effectivement produite correspond directement à la capacité des cerveaux humains. Il ne s’agit donc pas de confondre cette position nietzschéenne avec le relativisme socio-anthropologique contemporain ; si relativisme il y a chez Nietzsche, il est strictement lié à la constitution physique de l’être humain en général, et non pas à des déterminations sociales qui construiraient de toutes pièces la vérité scientifique, comme le croient certains sociologues des sciences. Cette notion du caractère ‘anthropomorphique’ propre à Nietzsche suit donc de près l’extension accomplie à partir de l’activité instinctive du langage qu’il a notée.

L’intuition nietzschéenne est donc que l’activité rhétorique est l’activité la plus ancienne du cerveau ; ce serait aussi, d’après Nietzsche, la même activité qui continue tacitement, pour ainsi dire, encore chaque jour lorsque nous effectuons les opérations de notre pensée, même la plus logique ; cette activité serait à l’œuvre dans le langage humain appliquant les lois de la rhétorique, selon son pouvoir d’expression et de communication (48). Ainsi, du point de vue de la pensée, l’abstraction n’est finalement que le produit de processus symboliques d’origine métaphorique, puisqu’elle est : « une impression durable qui s’est fixée et durcie dans la mémoire » (49). Et si le concept a ainsi été produit par des processus métaphoriques, en conséquence, pour Nietzsche, la science elle-même doit indirectement son existence à la rhétorique : « À la construction des concepts travaille originellement, comme nous l ‘avons vu le langage, et plus tard la science »(50). Dans ces conditions, les lois de la nature sont « de simples relations d’une chose à l’autre et à l’homme »(51) : pour Nietzsche, elles ne font que continuer « les lois de la sensation »(52).

Nietzsche aborde le travail du langage et celui de la science comme s’exerçant à l’écart des individus. D’une part, les concepts sont l’œuvre du langage : la philosophie est incorporée dans le langage, phénomène sous lequel elle apparaît. D’autre part, la science est un autre système indépendant de l’individu qui en reçoit les concepts qui le dominent. L’élément illogique de la métaphore habite le langage qui nous enchaîne ensuite dans les liens de la logique(53). C’est donc au cœur du chaos originel des représentations qu’est née la logique, tandis que la plupart d’entre elles se sont évanouies(54). Nietzsche demande : « Qu’y a-t-il de proprement ‘logique’ dans la pensée en images ? »(55). L’existence du jugement logique s’explique parce qu’il a pu se f aire « en mesurant avec des chaînes courantes et fréquemment vérifiées »(56) ; et, sans aucun doute pour Nietzsche, « [l]a même activité nerveuse reproduit la même image » (57).Cette force d’art en action est « anti-scientifique », écrit Nietzsche, « car elle ne porte pas un intérêt égal à tout perçu »(58) : elle renforce les traits principaux en oubliant les traits secondaires.

La pensée consciente est pour Nietzsche un processus de représentations qui conduit à l’abstraction par un long chemin. Il y a donc «1. la force qui produit la profusion d’images ; 2. la force qui choisit le semblable et l’accentue »(59) : « l’analogue rappelle l’analogue et se compare par ce moyen »(60). Le cerveau dans son activité draine des séries d’images utiles à l’élaboration de la pensée, et dont l’entendement est l’arbitre efficace et rapide quand il sélectionne les images semblables, qui elles-mêmes donnent encore naissance à une profusion d’images parmi lesquelles l’entendement sélectionne encore(61). Ce faisant, l’entendement distingue des catégories et des noms, établit des rubriques selon le principe de sa force de choix superficielle : si l’œil nous attache aux formes, l’entendement obéit à la « force artiste » qui règne en nous(62).

Comme Nietzsche l’indique, la métaphore ne concerne pas seulement le langage ni la pensée, mais encore la perception. Or, certains chercheurs en sciences cognitives, étudient actuellement les métaphores de la perception : je renvoie au travail de Lawrence E. Mark, en 1996, intitulé « On perceptual metaphors »(63), qui témoigne qu’il ait fallu attendre 1982 pour qu’on puisse parler de « métaphore picturale »(65) : il cite le travail de J.M. Kennedy sur la question. Il est vrai qu’il peut déjà y avoir eu une influence de la métaphore linguistique sur la métaphore picturale ; mais il existe des cas où les couleurs et les sons se répondent directement comme dans le sonnet des Voyelles de Rimbaud. Dans La naissance de la tragédie, Nietzsche demandait : « À quel titre apparaît la musique dans le miroir de l’imagerie mentale et des concepts ? »(66). Aussi, derrière Schopenhauer, Nietzsche affirmait : d’après le concept de son essence, la musique n’est pas Volonté, mais elle « apparaît comme Volonté » ; si bien que d’après le concept de son apparence, elle avait pour lui affaire à l’universel. Nietzsche ne changera pas d’avis, quand, dans le même esprit que Hanslick(67), il refusera que la musique soit une sémiotique des affects, même si, dans Aurore, §142, il admettra qu’elle peut être pour nous qui l’écoutons « l’imitation d’une imitation de sentiments »(68).

L’imprécision de la vue et de l’ouïe sont à la base des arts correspondants : « L’art repose sur l’imprécision de la vue. Avec l’oreille même imprécision dans le rythme, dans le tempérament, etc. Et là-dessus repose de nouveau, l’art »(69). À partir de la perception métaphorique, nous passons à l’art lié à cette perception et ensuite seulement à la pensée, puisque « les images sont des pensées originelles, c’est-à-dire les surfaces des choses concentrées dans le miroir de l’œil »(70)…tout comme l’entendement est lui-même un miroir(71). C’est alors que vient le philosophe qui, nous dit Nietzsche, s’efforce « de poser, à la place de la pensée en images, une pensée par concepts »(72). L’homme a la vocation de créer des formes et des rythmes, c’est pourquoi il croit à l’ « être » et aux choses (73). Par la différence des rythmes, sensible à la perception humaine, le nombre, le temps et l’espace sont donnés à l’activité intellectuelle. En concevant la pensée, Nietzsche voit apparaître une nouvelle forme de réalité.

Ramenant ainsi tous les phénomènes humains et matériels aux éléments de sensation et de mémoire, Nietzsche émet soudain une fugitive hypothèse : et si la matière elle-même était douée de sensation et de mémoire ? L’homme, en retour, aurait le privilège de connaître l’essence des choses(74) : figure sortie d’un rêve, il se rêverait alors lui-même !

 

Conclusion : De la métaphore comme effet de l’imitation

Donc, au principe des processus symboliques de la pensée, Nietzsche voit essentiellement jouer un principe de similarité : le même attirant le même et permettant la comparaison avec ce qui est différent. Alors que les débats actuels sur les processus propres à la pensée divisent aujourd’hui les théoriciens en deux camps, la position de Nietzsche le met manifestement dans le camp de ceux qui croient que la pensée est régie par un principe de similarité parmi les idées ; tandis que l’autre camp affirme, au contraire, que ce qui préside au déroulement est un ensemble de règles mentales(75).

Ce que Nietzsche a tenté de faire, c’est bien plus qu’une théorie de la connaissance ; c’est une phénoménologie de la connaissance qui remonterait aux racines dernières, en deçà même de la métaphore, jusqu’à l’origine de tout signe de vie, à l’impression de plaisir ou de déplaisir, donc le plus loin possible dans la genèse de la pensée intellectuelle, à la racine affective d’où les images naissent bien avant les pensées proprement dites.

Toutefois, nous ne devons omettre que pour Nietzsche la source de la vérité est pour ainsi dire morale et politique, en ce sens que la société imposa l’obligation de « dire la vérité ».Ce qui deviendra la connaissance scientifique a ainsi une origine morale puisqu’elle doit sa naissance à l’obligation de vérité imposée par la société. Certes, ‘moral’ signifie ici, en fait, ‘utile à la société’, ou même encore ‘ce qui favorise la vie’ ; toutefois, dans ses prolongements, cette vérité vitale se montrera l’ennemie de la vie, puisque Nietzsche constate : « la vérité tue », et « elle se tue elle-même »(76).

De plus, sur la base d’une définition de la connaissance comme « mesure à une échelle », Nietzsche rétablit le fossé qui sépare l’homme de l’univers qu’il veut connaître. Quelle que soit l’échelle adoptée, l’homme mesure, mais il ne connaît pas sa propre échelle. Aussi la connaissance est-elle illusoire selon Nietzsche car la différence des mesures ne peut être établie sans quelque référence extérieure fixe.

Dès lors, le modèle d’une connaissance n’est autre que la métaphore. Or, celle-ci est motivée par l’imitation(77). Grâce à cette volonté d’imiter, au moins n’est-il pas nécessaire de chercher une preuve de l’existence du monde extérieur, puisque le monde s’impose comme étant on ne peut plus réel et étranger à l’homme, qui veut (désespérément) l’assimiler dans la connaissance.

 

Université Jules Verne (Amiens)

 

Notes

1. Par delà le bien et le mal, § 230.

2. Aurore, Réflexions sur les préjugés moraux. Traduction d’Henri Albert, revue par Angèle Kremer Marietti. Introduction et notes par Angèle Kremer Marietti. Paris : Classiques de la philosophie, Le Livre de Poche, 1995 ; voir § 509, p. 299.

3. La naissance de la tragédie, 14.

4.Voir mon article pour le colloque de l’Université de Nimègue « Nietzsche’s Philosophical Interpretation of Metaphor : A Metaphorical Genealogy » (septembre 2000).

5. Nietzsche et la rhétorique, Paris, PUF, 1992.

6. Voir l’article de Mark Johnson, " Why Metaphor Matters to Philosophy", in Metaphor and Symbolic Activity, A Quaterly Journal, Vol. 10, N°3, 1995, 157-162.

7. Cf. Michel Imbert, « Théorie de la vision naturelle », in Sciences de la cognition, Grands Colloques de Prospectives, 28 janvier 1991, Ministère de la recherche et de la Technologie, 1991, p. 32. Voir A. Kremer Marietti, La philosophie cognitive, Paris, PUF, 1994.

8. Mark Johnson, op. cit., p. 157 (notre traduction).

9. Friedrich Nietzsche, La naissance de la tragédie ou Hellénisme et pessimisme. Traduction de Jean Marnold et Jacques Morland, revue par Angèle Kremer Marietti avec notes et introduction d’Angèle Kremer Marietti : « Le Naissance de la tragédie trace la voie de la vérité radicale ». Paris : Le Livre de Poche, Classiques de la philosophie, 1994.

10. Voir Das Philosophenbuch. Theoretische Studien (1872-1875), Nietzsches Werke, GOA, Kröner, X  et, sans le titre, certains textes du Nachlass, Kritische Studienausgabe (KSA), VII, VIII. La traduction française, Le Livre du philosophe, a été publiée par mes soins (Paris : Aubier Flammarion, 1969), corrigée et rééditée en 1978 ; nouvelle édition dans la Collection GF-Collection (Paris : Flammarion, 1991) avec une nouvelle introduction : « Nietzsche sur la vérité et le langage (1872-1875) ». La traduction anglaise : Nietzsche, Philosophy and Truth. Selections from Nietzsche’s Notebooks of the Early 1870’s, a été poursuivie et éditée par Daniel Breazeale, New Jersey : Humanities, 1979.

11. Voir mon article « La pensée de Nietzsche adolescent », in Études Germaniques. N° 2, 1969.

12. Humain, trop humain, Traduction de A.-M Desrousseaux et H. Albert, revue par Angèle Kremer Marietti avec notes et introduction d’Angèle Kremer Marietti : « Le questionnement radical de Nietzsche ». Paris : Le Livre de Poche, Classiques de la Philosophie, 1995. Voir aussi mon article « Menschliches-Allzumenschliches : Nietzsches Positivismus ? », Nietzsche-Studien, Berlin, New York : Walter de Gruyter, 1997.

13. La naissance de la tragédie, loc. cit., pp. 33-46.

14. Voir mon article « ‘Le terrain de l’art’ , une clé de lecture du texte nietzschéen », in Nouvelles lectures de Nietzsche, textes recueillis par Dominique Janicaud, Lausanne, Cahiers L’Âge d’Homme, N°1, 1985.

15. « Le Philosophe » § 142 : Philosophy and Truth, p. 48 ; Le Livre du philosophe, p. 92. KSA, VII, 486.

16. Philosophy and Truth, p. 84 ; Le livre du philosophe, p. 123. KSA, VII, 880-881.

17. « Le Philosophe » § 116, Le livre du philosophe, p. 82 : « Les raisonnements inconscients provoquent ma réflexion : ce sera probablement ce passage d’image à image ; la dernière image atteinte opère alors comme excitation et motif. La pensée inconsciente doit s’accomplir sans concepts : donc par intuitions ». KSA, VII, 454.

18. « Le Philosophe » § 63, Le livre du philosophe, p. 62 : « La pensée consciente n’est qu’un choix parmi des représentations ». KSA, VII, 445.

19. Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues, précédé de « Jean-Jacques Rousseau ou la double origine et son rapport au système Langue-Musique-Politique » par Angèle Kremer Marietti, Paris, Aubier, 1974, 1981. Titre du chapitre III de l’Essai sur l’origine des langues : « Que le premier langage dut être figuré ».

20. Humain, trop humain, p. 45.

21. Voir Nietzsche et la rhétorique, pp. 129-134.

22. « Nietzsche et l’épistémologie réfléchissante » in Revue Internationale de Philosophie, N°211, 1/2000.

23. « Le Philosophe » § 140, Le livre du philosophe, p. 91 : « La multiplicité perçue présuppose donc déjà le temps et l’espace, succession et juxtaposition ». KSA, VII, 484.

24. Philosophy and Truth, p.24 ; Le livre du philosophe, p. 62. KSA, VII, 446. Nietzsche ramène la pensée du rêve à la pensée primitive (cf. Humain, trop humain, I, 1, §.5 : Méconnaissance du rêve ; §12 : Rêve et civilisation ; §13 : Logique du rêve). Mon collègue Thierry Simonelli me rappelle que telle était aussi la position de Susanne K. Langer ; voir, de Langer, Philosophy in a New Key : A Study in the Symbolism of Reason, Rite and Art (1957), 3ème édition : Boston : Harvard University Press.

25. Colin Murray Turbayne, "Metaphors for the Mind", in Logic and Art. Essays in honour of Nelson Goodman, Indianapolis and New York : The Bobbs Merrill Comp. Inc., 1972, p.61. Cf. Colin Murray Turbayne, The Myth of Metaphor, New Haven : Yale, University Press, 1962. Citons aussi Earl R. Mac Cormac, A Cognitive Theory of Metaphor, Cambridge, Massachusetts, 1985 ; Eileen Cornell Way, Knowledge representation and Metaphor, Kluwer Academic Publisher, 1991 ; Vincent de Coorebyter ed, Rhétoriques de la science, Paris, P.U.F., Collection L’Interrogation Philosophique, 1994 : voir ma contribution, pp. 133-148 : « Le figuré et le littéral dans le langage scientifique ».

26. George Lakoff & Mark Johnson, Metaphors we live by, Chicago : University of Chicago Press, 1980. Les mêmes auteurs viennent de publier Philosophy in the Flesh. The Embodied Mind and its Challenge to Western Thought, New York : Basic Books, 1999.

27. Thomas Leddy, « Metaphor and Metaphysics", in Metaphor and Symbolic Activity, 10 (3), 205-222.

28. Thomas Leddy, op. cit., p. 206 : "I argue, however, that not only do we understand the world in terms of conceptual metaphors but that fundamental constituents of our experienced world are metaphoric".

29. Angèle Kremer Marietti, La symbolicité, Paris, P.U.F., 1982. ; voir aussi Les racines philosophiques de la science moderne, Bruxelles, Mardaga, 1987. 

30. Angèle Kremer Marietti, « Theory of Philosophy as a Science of the Symbolic », in Argumentation 4, The Netherl ands, 1990 : pp. 363-373 ; voir une forme améliorée de cet article, en février 2000, dans la revue électronique DOGMA, à l’adresse (Theory of Philosophy as a Science of the Symbolic). 

31. La raison créatrice , Paris, Kimé, 1996.

32. Angèle Kremer Marietti, "La référence fictionnelle du texte" , Encyclopédie philosophique, IV, Paris, PUF, 1998.

33. Voir « Le philosophe comme médecin de la civilisation » (1873) : Philosophy and Truth, pp. 67-76 ; Le Livre du philosophe, pp. 105-114. KSA, VII, 557-617.

34. Voir "Le dernier philosophe. Le philosophe. Considérations sur le conflit de l’art et de la connaissance »  (1872) : Philosophy and Truth, pp. 1-58 ; Le Livre du philosophe, pp. 37-103. KSA, VII, 417-517.

35. Voir "La science et la sagesse en conflit" (1875) : Philosophy and Truth, pp. 125-146 ; Le Livre du philosophe, pp. 141-158. KSA, VIII, 108-115.

36. « Le philosophe » § 28, §§. 60, 61 : Philosophy and Truth, p. 8, pp. 22,23 ; Le Livre du philosophe, p. 44. KSA, VII, 424.

37. Le philosophe » § 52, Le Livre du philosophe, p. 56. KSA, VII, 436.

38. « Le philosophe » § 63 : Philosophy and Truth, p. 24 ; Le Livre du philosophe, p. 62. KSA, VII, 445.

39. Friedrich Nietzsche, Le gai savoir. Fragments posthumes. Textes et variantes établis par G. Colli et M. Montinari. Traduits de l’allemand par Pierre Klossowski. Paris, Gallimard, 1967, p. 129.

40. KSA, 1882-1884, p. 654.

41. Voir l’ouvrage de de Lenneberg, Biological Foundations of Language (1967).

42. Cf. Jean-Yves Pollock, 1997, Langage et cognition. Introduction au programme minimaliste de la grammaire générative, Paris, PUF.

43. « Introduction théorétique sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », 2 : Philosophy and Truth, p. 88 ; Le Livre du philosophe, p.129. KSA, VII, 487.

44. Ibid.

45. Steven Pincker, L’instinct du langage, tr. par Marie-France Desjeux, Paris : Editions Odile Jacob, 1999.

46. L’instinct du langage, p. 262.

47. Le Livre du philosophe, p.129. KSA, VII, 487.

48. Voir Sander L.Gilman., Carole Blair, David Parent, Friedrich Nietzsche on Rhetoric and Language, New York, Oxford University Press, 1989, p. 20.

49. « Le philosophe » § 144 : Philosophy and Truth, p. 49 ; Le Livre du philosophe, p. 93. KSA, VII, 487.

50. « Sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », 2 : Philosophy and Truth, p. 88 ; Le Livre du philosophe, p.129. KSA, I, 886.

51 Le Livre du philosophe, p. 137. KSA, VII, 625.

52. Le Livre du philosophe, p. 137. KSA, VII, 625.

53. Le livre du philosophe, § 177, p. 136 : « La logique n’est que l’esclavage dans les liens du langage ». KSA, VII, 625.

54. KSA, 1882-1884, X, 645.

55. « Le Philosophe », § 63, Philosophy and Truth, p.24  ; Le livre du philosophe, § 63, p.62. KSA, VII, 445.

56. Le livre du philosophe, § 63, p. 62 : « Penser, c’est un discerner ». KSA, VII, 445. 

57. Le livre du philosophe, § 66, p. 64 :  « toutes les formes qui ont été produites une fois par le cerveau et le système nerveux se répètent désormais souvent ». KSA, VII, 447.

58. Le livre du philosophe, § 55, p. 58. : « Notre rapport à tout être vrai est superficiel, nous parlons le langage du symbole, de l’image : ensuite, nous y ajoutons quelque chose avec une force artiste, en renforçant les traits principaux et en oubliant les traits secondaires ». KSA, VII, 441.

59. « Le Philosophe » § 63 : Philosophy and Truth, p. 24 ; Le Livre du philosophe, p. 62. KSA, VII, 445.

60. « Le Philosophe » § 131 : Philosophy and Truth, p. 45 ; Le Livre du philosophe, p. 87. KSA, VII, 475.

61. Ibid

62. « Le Philosophe » § 54 : Philosophy and Truth, p. 19 ; Le Livre du philosophe, p.55. KSA, VII, 435.

63. Voir Metaphor and Symbolic Activity, Figurative Language and Cognitive Science, Vol.11, N° 1, 1996, pp. 39-66.

64. J. M. Kennedy, "Metaphor in pictures", Perception, 11, 589-605.

65. La naissance de la tragédie, p. 72.

66. Eduard Hanslick, Du beau dans la musique. Essai de réforme de l’esthétique musicale (1854), Paris, Bourgois, 1986.

67. Aurore, p. 144.

68. « Le Philosophe » § 54 : Philosophy and Truth, p. 19 ; Le Livre du philosophe, p. 57. KSA, VII, 440.

69. Le Philosophe » § 54 : Philosophy and Truth, p. 19 ; Le Livre du philosophe, p. 57. KSA, VII, 440.

70. Aurore, § 121, p. 127.

71. Le Livre du philosophe, p. 83. KSA, VII, 454.

72. KSA, 1882-1884, p. 651 : "Der Mensch glaubt an ‘Sein’ und an Dinge, weil er formen- und rhythmenbildendes Geschöpf ist."

73. Le Livre du philosophe I, §§ 94, 95, 96, 97, 98. KSA, VII, 469-471.

74. C’est à l’étude de ces deux courants d’interprétation que se situe l’ouvr age de Steven A. Sloman et Lance J. Rips, intitulé Similarity and Symbols in Human Thinking , Cambridge, MA : The MIT Press, 1998. Voir également dans le même ordre de recherche : Ray Jackendoff, Paul Bloom, and Karen Wynn, Language, Logic and Concepts. Cambridge, MA : The MIT Press, 1999.

75. C’est à l’étude de ces deux courants d’interprétation que se situe l’ouvr age de Steven A. Sloman et Lance J. Rips, intitulé Similarity and Symbols in Human Thinking , Cambridge, MA : The MIT Press, 1998. Voir également dans le même ordre de recherche : Ray Jackendoff, Paul Bloom, and Karen Wynn, Language, Logic and Concepts. Cambridge, MA : The MIT Press, 1999.

76. Le Livre du philosophe, III, § 176 (10) p. 134. KSA, VII, 623.

77. Le Livre du philosophe I, §§ 146, 147, 148, 149. Voir § 147 : « L’imitation suppose une réception, puis une transposition continue de l’image perçue en mille métaphores, toutes efficaces. L’analogue ». KSA, VII, 489-491.

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